Bâtiments durables : les architectes fustigent des normes trop contraignantes

De grandes signatures de l'architecture, réunies à Monaco au salon Batilux, ont plaidé pour conserver un espace d'innovation et le choix des moyens face à des labels ou des normes jugés sclérosants.
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Bridés ! Enserrés ! Pour un peu fonctionnarisés... Les architectes n'entendent pas se laisser dicter des méthodes alors que les nouvelles exigences du développement durable ouvrent au bâtiment un champ d'innovation exceptionnel et vont guider l'exercice de la profession durant un grand nombre d'années. « La nouvelle donne du développement durable constitue pour les architectes une occasion exceptionnelle de retrouver une nouvelle légitimité vis-à-vis de la société, estime Denis Valode, cofondateur de l'agence Valode & Pistre. Le bâti a un rôle essentiel à jouer [pour réduire les déperditions énergétiques, Ndlr] tant en ce qui concerne la conception de bâtiments neufs que pour la reprise du bâti existant. »

Préserver les échanges

« L'environnement mérite mieux qu'une farce, a tonné avec sa faconde habituelle Rudy Ricciotti, Grand Prix national de l'architecture 2006. Il n'y a pas d'expert de la HQE (haute qualité environnementale) mais beaucoup de charlatans !, a-t-il poursuivi. On veut imposer des faux plafonds alors qu'il est possible de traiter l'acoustique différemment. Quant aux matériaux labellisés, ils ne sont pas forcément écologiques ».

« Il faut dénoncer la qualité de logements soi-disant durables, a martelé de son côté l'architecte urbaniste Nicolas Michelin (agence ANMA). Nous fabriquons de magnifiques thermos si isolés de l'air, du froid et du bruit, qu'ils n'ont plus d'échanges avec l'extérieur ! Les façades vitrées sont réduites au minimum, les cages d'escalier et les salles de bain ne sont plus éclairées ! » Et de suggérer, pour éviter de tels écueils, de ne pas imposer les 50 kWh/m2/an dans les logements neufs mais de mettre la barre par exemple à 80 kWh/m2/an. Autrement dit, de ne pas sacrifier le confort et l'espace sur l'autel du bâtiment durable. D'autant que les logements neufs ne représentent que 1 % du parc résidentiel et l'essentiel des économies d'énergie viendra de la réhabilitation des logements existants.

« Il faut préserver un espace de respiration que l'on a de moins en moins, a renchéri l'architecte Manuelle Gautrand. Ce qui pose problème, ce ne sont pas tant les objectifs que l'on nous fixe, que les moyens qu'on nous impose pour y parvenir. Or il est très difficile d'intégrer toutes ces réglementations parfois contradictoires tout en conservant l'inventivité ».

« Il faut éviter tout ce qui fige et favoriser l'innovation, reprend Denis Valode. L'architecture peut permettre de renouer avec le plaisir d'habiter en implantant par exemple des jardins d'hiver au coeur des immeubles, ce qui rend les lieux plus agréables tout en assurant une ventilation naturelle », ce qui évite le recours à des climatisations coûteuses en énergie. Les architectes peuvent, de fait, jouer plus que jamais un rôle de chef d'orchestre puisque c'est non seulement l'ensemble de l'enveloppe du bâtiment qui doit être repensée mais aussi son orientation en fonction de sa localisation. Un bâtiment écologique est adapté à son contexte climatique, à son implantation, à son environnement. Les architectes sont appelés non seulement à concevoir des écobâtiments mais déjà des écoquartiers et demain, peut-être, des écorégions.

Réglementation thermique 2012

Dans l'immobilier de bureau, la mutation est déjà là. Les nouveaux bâtiments durables rompent avec les sempiternels rectangles pour prendre des formes audacieuses pour mieux tenir compte de l'orientation du bâtiment. L'immeuble interchangeable est bien révolu. Chaque bâtiment peut réellement devenir un prototype.

Les architectes ont, en tout état de cause, des chances d'être entendus. La réglementation thermique 2012 pourrait se borner à fixer des seuils énergétiques et laisser à la filière bâtiment le soin de définir elle-même les solutions. « Il n'y a pas d'architecture durable ou non durable. C'est, en revanche, à l'architecture d'indiquer à la technique où elle doit aller », a conclu l'architecte Jacques Ferrier, à qui l'on doit le pavillon français à l'Exposition universelle de Shanghai.

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Commentaires 2
à écrit le 04/02/2011 à 11:33
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L'architecte occupe une place très importante dans la conception d'un immeuble devant respecté les nouvelles performances énergétiques. Dans le cas de la conception d'immeuble BBC par exemple, les architectes qui travaillent pour le promoteur Bouygue...

à écrit le 31/01/2011 à 0:52
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Il faut que les architectes puissent se faire aider par des spécialistes en énergie, entre autres, car ils ne peuvent pas faire face à tous les problèmes techniques etc. et ce depuis longtemps déjà, on le voit en permanence dans la pratique. Leur for...

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