La file d'attente photovoltaïque au crible

Objet de polémique depuis de longs mois, la file d'attente de raccordement photovoltaïque, publiée trimestriellement par ErDF, se situait à son plus haut niveau fin septembre, avec près de 3.550 MW de puissance. Comment expliquer un tel pic ? Comment évolue cette file d'attente depuis 18 mois ? Pourquoi son taux d'abandon pourrait rester important ? Quels sont les signes de son évolution future ? Décortiquées, les statistiques d'ErDF révèlent certains enseignements, et soulignent une pathologie chronique du marché français : trop de demandes de raccordement d'installations sur le segment des moyennes et fortes puissances ne vont pas à leur terme.
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Le gestionnaire du réseau ErDF a raccordé, à fin septembre, une puissance photovoltaïque cumulée de 614 MW, tous segments confondus. Par comparaison à la même date, le Commissariat général au développement durable enregistrait une puissance solaire raccordée au réseau de 720 MW. Autrement dit, la filiale d'EDF gère le raccordement d'environ 85% du marché français.

Graphique 1 : Evolution entrée/sortie de la file d'attente (MW)

 

L'impact des baisses de tarif

La file d'attente est sur une pente ascendante depuis 2009. Et sur les trois derniers trimestres 2009, l'accélération est très significative (Cf. : Graph 1). Une partie de cette évolution semble se corréler au changement réglementaire de janvier 2010 : avant une baisse annoncée ou pressentie des tarifs d'achat, ErDF reçoit un nombre important de dossiers.

Pour preuve, sur les deux premiers trimestres 2010, ErDF enregistre moins de demandes par rapport au pic 2009. De même, on peut imaginer que la deuxième baisse des tarifs, pressentie à la fin du 2e trimestre 2010 dans l'attente du rapport Charpin et effective au 1er septembre, a eu un impact significatif sur le dépôt de demandes de raccordement au 3e trimestre 2010, en forte hausse.

Plusieurs mois pour traiter les dossiers

ErDF met entre 4 à 5 mois pour traiter une demande de raccordement. Statistiquement, cela implique que lorsqu'une demande rentre dans la file d'attente, elle en sort 4 à 5 mois plus tard, soit parce que l'installation est raccordée, soit parce que le dossier est refusé par ErDF, ou abandonné par le demandeur (demande caduque ou virtuelle). Naturellement, la file d'attente commence donc à purger ses excès 2009 véritablement à partir du 2e et 3e trimestres 2010. ErDF a sorti une puissance d'environ 1.200 MW sur cette période, accélérant un rythme de sortie 2009 plutôt lent. (Cf. : Graph 1).

Compte tenu d'un rythme d'entrée dans la file d'attente toujours important ces derniers trimestres, et d'une file d'attente record, ErDF n'aura pas d'autre choix que de sortir ces demandes de sa file sur les prochains trimestres. La file d'attente pourrait donc être vouée à des fluctuations importantes à l'avenir. Toute la question est de savoir si les dépôts de demandes de raccordement seront toujours vigoureux dans les prochains mois.

Graphique 2

 

Un taux d'abandon élevé

Autre critère important, la puissance non raccordée au réseau en sortie de file d'attente. Le taux d'abandon est en effet élevé sur ces 18 derniers mois : en moyenne 66% de la puissance sortie de la file d'attente par trimestre n'est pas raccordée. Les raisons sont multiples : problème de financement de l'installation ou abandon du projet par le développeur, demande caduque ou virtuelle, dossier incomplet, etc.,

Le taux d'abandon n'a jamais été inférieur à 33% (4e trimestre 2009). Au 2e trimestre, période où ErDF a sorti de sa file d'attente plus de puissance qu'il n'en est rentré (Cf. : Graph 1), le taux d'abandon atteint même 80% (Cf. : Graph 2 et 3). Un phénomène de purge accélérée. Une fois de plus, au regard des extrêmes enregistrés par ErDF ces derniers mois, il est probable que le taux d'abandon reste élevé. In fine, cela traduit qu'une bonne partie de la file d'attente n'est pas saine, et n'est pas représentative de la réalité du marché.

Enfin, même si en nombre de dossiers traités, le segment des petites installations (inférieures à 3 kW) représente le gros du travail d'ErDF, plus de 70% des demandes de raccordement au 3e trimestre 2010 par exemple, la file d'attente est "gonflée" en puissance par le segment des moyennes et grandes puissances (grandes toitures et centrales au sol). Ainsi, sur les derniers 18 mois, la file d'attente concernant des petites installations reste stable et relativement insignifiante (moins de 300 MW). L'évolution future de la file d'attente est donc liée à la gestion du segment des installations de plus forte puissance (Cf. : Graph 4).

 

Graphique 3 : Evolution de la file d'attente

Graphique 4 : Evolution file d'attente décomposée entre petites et grandes installations

 

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Commentaire 1
à écrit le 30/11/2010 à 16:26
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merci pour ce bon article M. Simonet Quelles vont être les conséquences sur la gestion de cette file d'attente de la réunion interministérielle prévue par Matignon jeudi prochain ?? (critères de purges ? filtre à l'entrée ? )

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