Idée reçue #13 : "Vendre aux pauvres, ça ne rapporte pas"

Rarement rentable à court terme, la vente aux plus pauvres des pays pauvres participe de la responsabilité sociale des entreprises mais constitue aussi un pari sur le développement économique futur de ces pays.
Reuters

Veolia, Danone, et même Coca-cola ! Pas vraiment des ONG... Pourtant, toutes ces entreprises ont mis au point des modèles pour se rapprocher des plus pauvres de la planète. Ces populations qui vivent avec moins de 3 000 dollars par an, baptisées « bottom of the pyramid » (BOP), ont longtemps été négligées au profit des « classes moyennes » nouvellement apparues dans les pays émergents.
Mais depuis quelques années, ces vastes bassins de populations ont attiré l'intérêt à la fois des chercheurs en économie et... de nombreuses entreprises. Dès 2004, les économistes Stuart Hart et C.K. Prakelad publiaient « The fortune of the bottom of the pyramid ». En 2008, c'était « Creating value for all. Strategies for doing business with the poor », rédigé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Les étudiants en économie et management s'y intéressent de plus en plus. En France, les écoles de commerce Essec et HEC ont créé des chaires «Entrepreneuriat social» et «Business et pauvreté». Stricto sensu, le BOP n'est pas exactement du « social business », comme le microcrédit, inventé et mis en ?uvre par le Bangladais Mohammad Yunus, prix Nobel de la Paix, et qui a pour finalité la résolution d'un problème social. Cela implique que les bénéfices dégagés soient réinvestis afin d'abaisser peu à peu le coût pour les consommateurs. Ce principe a été adopté par de grandes entreprises des services de l'eau ou de l'énergie. Soucieuses de soigner leur politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE) et leur image auprès des pouvoirs publics des pays émergents, elles souhaitent aussi mieux connaître les attentes des populations, afin de se préparer pour le jour où ces marchés seront devenus rentables. Une attitude encore plus vivement recommandée pour les biens de grande consommation. Si Danone a annoncé en 2011 les premiers bénéfices de la Grameen Foods Danone co-créée en 2006 avec la Grameen Bank de Yunus, qui emploie cent quatre-vingts personnes et fournit un revenu à trois cent soixante-dix fermiers au Bangladesh, c'est qu'elle a su adapter son offre aux attentes et aux moyens de la population locale. Résultat, les ventes de son yaourt à bas prix ont été multipliées par trois en quelques années. Impliquer ces populations dans la «communication» autour des produits et dans leur distribution, notamment via le porte à porte, est une autre clé du succès.

On le voit, le BOP mérite certainement que l'on s'y intéresse. Selon la Sloan Review du MIT, les populations les plus pauvres représentent un pouvoir d'achat de 691 milliards de dollars en Chine, 378 milliards en Inde ou encore 73 millions au Brésil. Dès lors, on comprend pourquoi l'Américain Coca-cola est présent dans quarante-sept des quarante-huit pays les moins avancés où il mène des opérations d'accompagnement des populations locales, en partenariat avec des ONG et les pouvoirs publics locaux.

En plus de « l'avantage au premier entrant », l'un des piliers du marketing, le business du BOP est aussi l'occasion d'innover. Comme le souligne une étude de Cap Gemini « Understanding the forgotten billions », les efforts déployés pour mettre au point les produits adaptés aux plus pauvres peuvent souvent être exploités sur les marchés matures. Par de grands groupes mais aussi par des entreprises de taille plus modeste qui se sont fait la main sur leur marché local avant d'exporter leur savoir-faire.

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