Pourquoi avoir écrit cet ouvrage ?
Ce livre est une réponse à un constat simple. A Copenhague, tout le monde parlait de CO2, et peu des problématiques de l'eau. Avant une montée des eaux due au changement climatique, nous serons confrontés aux défis de l'eau, conséquences du boom démographique et de l'urbanisation croissante. Je travaille sur ce sujet depuis 30 ans. Ce livre est ma contribution au débat sur cette problématique globale qui va prendre de plus en plus d'ampleur. L'eau est toujours plus polluée et difficile d'accès. Les arbitrages entre les usages vont devenir de plus en plus compliqués.
Pensez-vous qu'une partie de la solution réside dans un changement des comportements individuels ?
Je vous rappelle que dans le monde, 70 % de l'eau est utilisée pour l'agriculture et 10 à 15 % par l'industrie. Il faudrait donc que ces changements de comportement s'opèrent dans tous ces secteurs. De toutes façons, il faudra faire des choix. Mais il est vrai que les comportements jouent un rôle. Là où l'eau manque, comme sur la côte Ouest des Etats-Unis, toute une « économie de l'eau » s'est mise en place, et la consommation par habitant s'établit à 80 litres par an. A l'inverse, au Canada où elle est abondante, elle atteint 800 litres. Sur les marchés matures comme la France, la consommation diminue malgré la croissance démographique. Cela est dû à une diminution de la consommation industrielle, de celle des particuliers et des grands ensembles grâce à des équipements plus performants.
Vous consacrez un chapitre de votre livre au débat public/privé. Quel doit être selon vous le rôle des entreprises ?
90 % des opérateurs dans le monde sont publics. En France, où le marché de l'assainissement se partage à parts égales entre public et privé, et où l'eau est distribuée à 73 % dans le cadre de délégations de service public, ce débat a pris une acuité particulière. Historiquement, il y a toujours eu des passages de l'un à l'autre, c'est une force du système français, qui propose d'ailleurs un prix inférieur à la moyenne européenne. Pour moi, c'est un faux débat et ce serait dommage de se priver du savoir-faire des entreprises françaises. D'ailleurs, nous répondons en général aux demandes des collectivités, qui nous sont faites. Comme à Alger, où notre contrat vient d'être renouvelé pour cinq ans.
Un forum de l'eau alternatif est organisé par des organisations, qui jugent que le Forum officiel est noyauté par le secteur privé.
Le conseil d'administration du Conseil mondial de l'eau (CME) ne comporte que deux représentants du secteur privé sur trente-cinq ! Et ce forum a toujours été conçu comme un lieu de dialogue entre les parties prenantes, avec un rôle croissant joué par la société civile et les ONG. Le concept du « droit à l'eau », adopté par l'ONU il y a quelques mois, a d'ailleurs vu le jour à leur initiative suite au dernier forum d'Istanbul en 2009. Quoi qu'il en soit, les participants au forum alternatif sont les bienvenus dans les sessions, nous sommes tout à fait prêts à dialoguer. Mais en matière d'eau, nous disposons d'une expérience internationale précieuse grâce à nos contrats dans des pays comme la Chine et l'Australie pour ce qui nous concerne.
Comment le secteur privé peut-il fournir de l'eau potable aux populations les plus pauvres ?
L'entreprise privée a des solutions à proposer. Par ailleurs, même une entreprise publique ne peut fonctionner correctement que si il existe une gouvernance satisfaisante et des fonds suffisants. Partout où l'on a offert l'eau gratuitement, cela a toujours échoué et les plus pauvres finissent toujours par la payer plus cher que ce qu'aurait proposé le privé, en faisant appel à des porteurs d'eau. Suez Environnement a toujours été très attentif à proposer un accès à l'eau facile et raisonnable. Et quand il n'existe vraiment pas de réalité économique, notre fondation peut intervenir avec des projets d'accès à l'eau et à l'assainissement en Afrique par exemple, en partenariat avec des ONG.
Vous communiquez de plus en plus auprès du grand public alors que les particuliers ne sont pas vos clients directs. Pourquoi ?
Le consommateur est aussi un électeur et les maires sont de plus en plus sensibles à la satisfaction de leurs administrés. Or nous sommes en contact quotidien avec ce consommateur final. C'est nous qui émettons les factures et qui répondons à leurs questions dans nos centres d'appels. Douze millions de Français, et 90 millions de personnes dans le monde, sont en contact plus ou moins direct avec Suez Environnement.
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