Un nouveau rapport, publié il y a quelques jours par des chercheurs canadiens de l'Université de Concordia dans la lettre britannique « Environmental Research Letters (ERL) », revient sur la piste du blanchiment des toitures et autres trottoirs et ses effets sur l?"albedo". Ce terme scientifique, qui apparaît de plus en plus souvent dans des articles destinés au grand public, désigne le rapport de l'énergie solaire réfléchie par une surface sur l'énergie solaire incidente. Sa valeur est inversement proportionnelle à l?absorption des rayons du soleil et leur transformation en chaleur.
Réduire de 10 à 30 % les besoins en climatisation
Autrement dit, plus une surface est claire, plus son albedo est élevé, et moins elle absorbera de rayons et de chaleur. D?où l?idée de blanchir un maximum de surfaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le réchauffement climatique. Un bâtiment en plein soleil aura d?autant moins besoin d?être climatisé que son toit blanc reflétera les rayons et donc la chaleur, vers l?atmosphère. En limitant la formation d?îlots de chaleur qui transforme certains blocs d?immeubles en véritables fours l?été et en réduisant de 10 à 30 % les besoins en climatisation, cette solution pourrait contribuer à limiter les émissions de gaz à effet de serre de façon significative.
D?après l?étude publiée il y a quelques jours, le ripolinage progressif de tous les toits et trottoirs urbains pourrait s?étendre sur 50 ans, et sur cette durée l?opération permettrait d?éviter entre 130 et 150 milliards de tonnes de CO2, soit la pollution totale du parc automobile mondial pendant 50 ans.
Une simple couche de peinture blanche pour une meilleure efficacité énergétique
Le sujet n?est pas nouveau. Le secrétaire d?Etat américain à l?énergie, Steven Chu, l?évoque régulièrement. C?est aussi le cheval de bataille de plusieurs chercheurs. Certains d'entre eux, qui travaillent au sein du laboratoire Lawrence Berkeley en Californie, ont calculé qu?un mètre carré de toiture blanchie réfléchirait suffisamment de lumière pour éviter l'émission de 64 kilogrammes de CO2, et 38 kilogrammes pour un mètre carré de trottoir.
Le rapport publié il a quelques jours étudie plusieurs types de revêtements. Les plus efficaces et les plus durables sont des membranes en polymère spécialement dédiées à cet effet, qui pourraient être installées lors de travaux de rénovation des toitures. Mais d?après les chercheurs, une simple couche de peinture acrylique blanche suffirait à améliorer l?efficacité énergétique des bâtiments. Dans leur élan, certains envisagent la même solution pour les voitures, justement, avec à la clef le même effet sur la diminution des besoins en climatisation (et donc, la consommation).
Dans les climats tempérés, le recours à ce blanchiment fait débat. Pour certains, cela risque d?accroître les besoins en chauffage. Pour d?autres au contraire, la radiation renvoyée par le toit pourrait être récupérée pour chauffer le bâtiment.
Une solution contestée...
Mais d?aucuns nuancent l?impact global de cette solution sur le réchauffement climatique. Pour le spécialiste français du CO2 Jean-Marc Jancovici, diminuer la température de façon aussi localisée ne garantit aucun résultat sur la température moyenne à la surface du globe. D?après la « Royal Society » britannique, seule 0,05 % de la surface terrestre serait concernée. Pour un coût annuel estimé à 300 milliards, elle y voit donc l?une des méthodes de géo-ingénierie les moins efficaces. La multiplication des bidonvilles et la prédominance des travaux réalisés par les propriétaires eux-mêmes (dans 70 % des cas) ne simplifient pas non plus la tâche. Enfin, certains experts voient même dans ce ripolinage un risque d?aggravation du réchauffement climatique : plus de lumière renvoyée vers l?atmosphère signifierait plus d?énergie absorbée par les particules de carbone?donc une atmosphère réchauffée !
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