Comment DCNS se prépare à devenir un leader mondial dans les hydroliennes

DCNS veut faire de Cherbourg, où le groupe naval construit des sous-marins, son site de fabrication d'hydroliennes. Situé à quelques encablures du Raz Blanchard, c'est l'un des plus gros gisements mondiaux de courants de marée.
Copyright Reuters

A Cherbourg, où il emploie 2.200 salariés, DCNS a rimé depuis des décennies avec sous-marins militaires. Depuis l'invention du submersible en 1896, 100 exemplaires y ont été mis à l'eau. Mais d'autres engins pourraient être très prochainement fabriqués par DCNS à Cherbourg. L'un des leaders mondiaux dans les systèmes navals de défense projette en effet de construire, sur le port de Cherbourg, une ou plusieurs usines d'assemblage et de fabrication d'hydroliennes, ces turbines sous-marines, qui transforment l'énergie des courants marins en électricité. A la clé, 1.000 emplois directs.

Le compte à rebours a commencé pour DCNS, qui a en ligne de mire l'appel d'offres hydrolien français annoncé tout récemment par l'ancien ministre de l'Energie Eric Besson pour 2014. D'ici là, le groupe naval va s'employer à démontrer qu'il est l'industriel européen le plus crédible pour construire un parc d'un millier d'hydroliennes de 2,5 MW (soit 2,5 Gigawatts, entre un et deux réacteurs nucléaires classiques) dans le détroit du raz Blanchard, à quelques encablures de Cherbourg.

Les atouts du raz Blanchard

Situé entre La Hague et l'île anglo-normande d'Aurigny (Alderney pour les Anglais), ce passage d'une quinzaine de kilomètres est l'un des sites côtiers français où les courants de marées sont les plus forts. Selon le directeur du département Energies marines renouvelables de DCNS, Frédéric Le Lidec, c'est aussi "le troisième gisement mondial", après la baie de Fundy à l'est du Canada et un site au nord de l'Ecosse. L'autre atout de ce site est sa proximité avec la centrale nucléaire de Flamanville : les hydroliennes pourront en effet être "branchées" sur le réseau électrique de la centrale, moyennant sa "mise à niveau" par RTE pour le rendre capable de recevoir l'énergie supplémentaire.

Les avantages de la turbine OpenHydro

Quelle technologie pour exploiter ces puissants courants de marée ? DCNS s'est tourné vers la technologie dite "open-centre turbine" développée depuis 2006 par la société irlandaise OpenHydro. A la différence de l'autre famille d'hydroliennes qui fonctionne selon le principe d'une "éolienne sous l'eau", OpenHydro a mis au point une turbine à axe horizontal avec génératrice périphérique à aimants permanents. "Réversible", elle peut produire de l'énergie indépendamment du sens de la marée (4 marées par 24 heures). Enfin, la machine d'OpenHydro présente, selon Frédéric Le Lidec, "plus de garanties que les autres en termes de fiabilité du fait de la simplicité de son architecture" : la génératrice est complètement intégrée dans la carène qui supporte l'hélice.

Totalement immergée, la machine est fixée sur un tripode métallique par 30 mètres de fond. Son centre ouvert laisse un passage à la faune marine. DCNS, qui détient aujourd'hui 11 % du capital d'OpenHydro, ne cache pas son souhait "d'en prendre complètement le contrôle". OpenHydro opère des machines au nord de l'Ecosse ainsi que dans la baie de Fundy au Canada. Elle est aussi  partenaire de DCNS pour l'hydrolienne pilote d'EDF (0,5 MW) à Paimpol Bréhat (Côtes d'Armor), opérationnelle depuis octobre 2011. Trois autres machines doivent être déployées sur ce site expérimental d'ici à fin 2013.

Comme l'éolien, l'énergie des courants de marée est intermittente avec des variations d'intensité liées au cycle de la marée (le courant est faible quand la mer est étale, soit quatre fois par 24 heures) et de son coefficient. Mais à la différence de l'éolien, cette force du courant n'est pas dépendante de la météo mais de la lune : "on peut donc faire des prévisions des années à l'avance et estimer avec précision la production d'électricité", indique Frédéric Le Lidec.

Les accords signés avec le port de Cherbourg

Tout en s'employant à sécuriser la technologie, DCNS cherche des sites sur le port de Cherbourg. Il vient de signer un "accord cadre" avec son propriétaire, le syndicat mixte Ports normands associés (Région, départements de la Manche et du Calvados). Son directeur, Jean-Michel Sévin, en résume l'enjeu : "DCNS cherche à se positionner en réservant des espaces dans la partie est du port de Cherbourg (où seront également implantées les activités liées à l'éolien offshore) et sur l'extension à venir (35 hectares) vers la grande rade. Ce sera une occupation progressive liée à l'avancée du programme hydrolien".

DCNS prévoit, en régime de croisière, la production de 100 turbines par an. "Les 1.000 emplois créés seront des emplois pérennes car la maintenance prendra le relais de la construction", explique Frédéric Le Lidec. Quid du prix du kilowattheure ? Dès la première ferme (soit une tranche de 200 à 300 MW), assure-t-il, "le kilowattheure hydrolien sera inférieur à celui de l'éolien offshore" (180 euros/MW).

"Un très fort soutien des collectivités"

Quel schéma industriel ? Outre l'assemblage final, DCNS prévoit de tirer parti de sa "connaissance des milieux marins et de la corrosion" et réaliser lui-même certaines fabrications, comme la turbine, le convertisseur et le support métallique de la fondation. "Mais nous n'avons pas vocation à tout faire. Nous ferons appel à des co-investisseurs et des partenaires locaux pour certains sous-ensembles", indique Frédéric Le Lidec. Une chose est sûre : les aimants viendront de Chine.

Pour cette "bascule dans une nouvelle filière industrielle", DCNS se félicite du "très fort soutien des collectivités" : Région Basse-Normandie (PS), Département de la Manche (UMP) et Communauté urbaine de Cherbourg (PS). Le député-maire PS de Cherbourg, Bernard Cazeneuve, voudrait bien réduire le décalage de deux ans entre les calendriers de l'éolien offshore et celui de l'hydrolien. "Deux ans, c'est long", soupire-t-il.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 15/05/2012 à 11:06
Signaler
Bravo: mais qu'est-il prévu pour l'évacuation de l'énergie électrique produite: à la fois tirage de câbles sous marins et aussi raccordement au réseau RTE plus passages de lignes d'évacuation en plus de celles de Flamanville??

à écrit le 14/05/2012 à 17:18
Signaler
Cette invention géniale, invisible, silencieuse (et pour les poissons?) non polluante ne va elle pas avoir des soucis avec les filets des pêcheurs et les algues ? Sauf à installer une Web cam pour surveiller son état ca créera un nouveau métier: plon...

à écrit le 14/05/2012 à 16:46
Signaler
Pour le coup, cette orientation est brillante.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.