Atlantic, le maître discret de la chaleur

Pour réussir, une entreprise dont les produits s'adressent au grand public est-elle dans l'obligation de communiquer ? Le groupe Atlantic apporte la preuve du contraire : son goût prononcé pour la discrétion ne l'a pas empêché de devenir le leader français du génie climatique et même le leader européen de la construction de chauffage et chauffe-eau électriques. Le peu de chiffres que ses dirigeants consentent à divulguer démontre que ce poids lourd de l'économie vendéenne pourrait, s'il le souhaitait, être régulièrement mis en avant par la presse économique française. Avec 3.500 collaborateurs et un chiffre d'affaires de 790 millions d'euros en 2008, Atlantic figure parmi les 500 principaux groupes français.Le groupe Atlantic est né à la fin des années 60 de l'amitié de deux ingénieurs, Paul Radat et Pierre Lamour. Ils se partagent à l'époque les rênes d'un site de fabrication de lave-linge situé à La Roche-sur-Yon et appartenant à la société Esswein. Des machines vendues sous la marque Atlantic. Déjà, entre les deux hommes, la répartition des rôles est dessinée. À Paul Radat, ingénieur de l'école des travaux publics, la partie industrielle. À Pierre Lamour, polytechnicien, la partie commerciale.Entrepreneurs dans l'âme, les deux compères développent au sein d'Esswein un département, Atlantic SFDT. L'acronyme désigne la société française de développement thermique. « Nous nous sommes mis dans le chauffage central et le convecteur à eau chaude parce qu'il y avait une demande. Cette fabrication était alors peu élaborée dans l'industrie française », raconte Paul Radat dans l'un des rares entretiens qu'il a accordé en 2007 à un musée vendéen, l'Historial.En 1969, Esswein devient la propriété du groupe Thomson. À la faveur de ce rachat, les deux hommes proposent de partir avec leur unité nouvellement créée. C'est finalement trois ans plus tard que Paul Radat et Pierre Lamour jettent les bases du futur groupe Atlantic. « À l'époque, EDF avait des kilowatts produits par le nucléaire à ne plus savoir qu'en faire, poursuit Paul Radat. Par conséquent, appuyés par EDF, nous nous sommes lancés dans le chauffage électrique. » Les deux entrepreneurs décident de fabriquer des convecteurs électriques sur le site de La Roche-sur-Yon. La partie commerciale de l'entreprise est assurée depuis un autre site, à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine).Mauvais timingLe premier choc pétrolier de 1973 sert et dessert à la fois les intérêts d'Atlantic SFDT. Les deux hommes sont confortés dans le choix de l'électrique mais rachètent également au plus mauvais moment une première société, Guillot, qui fabrique de grosses chaudières traditionnelles. « En l'espace de six mois, le marché avait baissé de 50 %. Nous avons dû supprimer trois usines sur quatre », se souvient Paul Radat.Quatre ans plus tard, un incendie sur le site de La Roche-sur-Yon donne l'occasion aux deux dirigeants de se lancer sur un nouveau marché. Le site reconstruit sera consacré à la production de chauffe-eau électriques. « C'est là le véritable développement du groupe Atlantic », estime Yves Lepelletier, le directeur général adjoint.De ces expériences, mais aussi de leurs convictions d'entrepreneurs, Paul Radat et Pierre Lamour dégagent une philosophie, basée sur deux piliers : le service et la rentabilité. Bernard Élineau a été secrétaire général du groupe. Proche de Paul Radat, il explique comment se manifestait cette philosophie : « Tous les lundis matin, il réunissait les cadres. Nous devions justifier tous les écarts entre ce qui était prévu et le résultat. On pouvait se tromper, mais il fallait expliquer pourquoi. » La gestion très rigoureuse mise en place permet aussi d'assurer à l'entreprise une croissance organique soutenue et donc d'autofinancer la croissance externe.Outre la gestion méticuleuse, le développement du groupe Atlantic se fait sur la base d'opportunités, comme à l'époque des nationalisations sous la présidence de François Mitterrand. Par jeu de ricochet et aussi parce que les deux hommes avaient conservé des relations avec leur ancien employeur, le groupe Atlantic récupère au milieu des années 80 le pôle génie thermique de Thomson. « L'ensemble perdait de l'argent, était en état moyen mais n'était pas très cher », raconte Yves Lepelletier. L'opération permet à l'entreprise vendéenne d'acquérir les marques Thermor et Sauter.Politique d'acquisition« Vers 1990, l'entreprise détenait environ 30 % de parts de marché dans le convecteur électrique et 20 % dans le chauffe-eau », poursuit le directeur général adjoint. Le groupe Atlantic est alors en position de leader sur le marché du convecteur et du chauffe-eau électriques. En 1993, l'acquisition d'Elgé marque l'entrée de la société vendéenne dans le marché de la ventilation et, plus généralement, dans celui de la climatisation. Puis viendront les rachats d'Ygnis, spécialisée dans la chaudière collective, ou encore de la partie chaudière individuelle de la société franco-belge. La politique d'acquisition obéit à la fois « à la volonté de récupérer des savoir-faire techniques et des parts de march頻, précise Yves Lepelletier. Ce dernier n'en dira guère plus sur la stratégie suivie par l'entreprise.Mais le résultat est là. Le groupe Atlantic est à la tête d'un portefeuille de huit marques qui couvrent l'ensemble du confort thermique à l'exception des chaudières murales. Dans un secteur où la délocalisation est tentante, la société compte huit sites de production en France. « Nos usines sont très automatisées et la main-d'?uvre directe ne dépasse pas 6 % du prix de vente. Une délocalisation est totalement illusoire au niveau de la compétitivit頻, explique Paul Radat.Depuis 2005, l'entreprise a toutefois pris un virage international avec l'ouverture de sites en Égypte, en Turquie et en Ukraine. Moins pour gagner sur le prix de production que pour se rapprocher de marchés en développement. Atlantic ne réalise encore que 20 % de ses ventes à l'international. Outre sa politique de marque et sa volonté de couvrir une gamme étendue de produits pour de multiples énergies, le groupe s'appuie également sur un fort investissement en recherche et développement (R&D) : 4 % du chiffre d'affaires y est consacré, avec des résultats probants comme le système antisalissure, permettant d'éviter les traces noires sur les murs au-dessus des convecteurs.La R&D est aussi bien évidemment orientée sur les questions liées au développement durable. Depuis quatre ans, la société vendéenne commercialise des pompes à chaleur et des chauffe-eau solaires. Elle a par ailleurs ouvert un centre d'essais et de recherches thermiques sur son site de Saint-Jean-de-la-Ruelle dans le Loiret, afin de trouver les meilleures combinaisons d'appareils thermiques aussi bien en termes de consommation que d'émissions de CO2.Conséquence de cette politique de développement de nouveaux produits, le groupe Atlantic est en train de renforcer ses moyens en termes de formation « pour accompagner notre politique commerciale auprès des installateurs de proximité et grossistes », justifie Yves Lepelletier. Quatre centres en plus des douze existants sont ainsi en phase d'ouverture. De quoi suivre à la lettre une règle d'or des fondateurs désormais érigée en philosophie : la qualité de service.
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