« Il faudrait que la finance devienne moins sexy, moins lucrative et plus rasoir »

STRONG>Les leçons d'une autre crise que vous décortiquiez déjà il y a vingt ans n'ont pour le moins pas servi à grand-chose. Cette fois-ci, des livres comme le vôtre participeront-ils à changer la donne ?Aucun livre ne change le monde. De toute façon, tout est déjà réglé : le monde est passé à la suite. Les intérêts de Wall Street sont tellement puissants qu'ils effacent toutes les traces.Vous avez pris le parti d'incarner la crise avec ceux qui la font, de nous faire entrer dans leurs raisonnements. Et leurs portraits sont savoureux. Est-ce une manière de pointer des responsabilités ?Une poignée de traders a inventé les subprimes et les produits qui leur sont adossés. Ce n'est pas difficile de les identifier. Mais je ne crois pas que les condamner serve à grand-chose. Essentiellement parce qu'ils n'ont pas violé la loi. Tout était parfaitement légal et c'est là le vrai scandale. Nous leur avons donné la permission de faire sauter la planète !Vos trois héros s'interrogent : les financiers sont-ils des escrocs ou des idiots ? Quel est votre avis ?Ils se posent sans doute toujours la question. Selon moi, à vivre halluciné dans un mirage, les financiers ont cru à leurs propres histoires. Et nous avons laissé carte blanche à des gens à qui vous n'auriez même pas confié votre chien ! Les dégâts sont aujourd'hui considérables. Pour retrouver des professionnels responsables, il faudrait que la finance devienne beaucoup moins sexy, moins lucrative et plus rasoir. L'insolente rentabilité de Wall Street est insoutenable.Les politiques ont-ils repris la main ?La pression politique sur la finance mondiale s'est renforcée, sans aucun doute. Mais il n'en demeure pas moins qu'une réforme profonde du système reste hors de portée des politiques, et encore moins des régulateurs. Aux États-Unis comme en Europe, ils n'en ont pas le cran. Elle serait pourtant indispensable pour déconstruire entièrement le Meccano, en isoler les éléments et les recomposer. Et ce, partout dans le monde. Les banques de détail et celles d'investissement doivent par exemple être à nouveau séparées.La crise a-t-elle mis du plomb dans la tête des investisseurs ?Les pigeons devraient regarder autour d'eux pour éviter de se faire abattre puis dévorer ! Les investisseurs même institutionnels adoptent vis-à-vis des banques et des courtiers une attitude incroyablement déférente. Wall Street sait des choses que ses clients ignorent et en tire un avantage certain. Pour moi, une nouvelle fois, le problème est structurel : les banques investissent pour leur compte propre dans les mêmes titres que leurs clients. Le conflit d'intérêts est inévitable et permanent.Les conditions d'une nouvelle crise sont-elles déjà remplies ?Pour penser à une nouvelle crise, encore faudrait-il avoir mesuré toutes les conséquences de celle-ci et je pense que nous en sommes encore loin. À court terme, la crise a remis Wall Street à sa place. Pour un temps au moins. Scrutés à la loupe par les régulateurs et les législateurs, les acteurs de la finance vont sans doute se tenir tranquilles un moment. Deux ans, peut-être trois ans, avant de reprendre l'avantage technique et de retrouver deux métros d'avance sur ceux qui les contrôlent. Le monde de la finance a toujours su jouer de la complexité pour échapper aux regards.Alors rendez-vous dans vingt ans pour un nouveau best-seller ?J'espère bien, mais par pitié, sur un autre sujet...
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