Le multiculturalisme, ça marche !

Elle s'appelle Shamin et elle est vice-directrice d'une petite école maternelle dans l'est de Londres. Quand elle enseigne, cette Britannique musulmane d'origine indienne porte le foulard. Quand elle sort dans la rue, elle porte le voile intégral, seuls ses yeux restant apparents.À Noël, elle prépare une scène de la nativité avec les enfants, Joseph, Marie et Jésus au centre. Les parents sont conviés à admirer ce spectacle un peu surréaliste de leurs chérubins déguisés en anges et agneaux, en train de mimer les bergers qui se rendent à la mangeoire, guidés par cette femme musulmane voilée. De toute façon, peu d'enfants sont eux-mêmes chrétiens, ou d'ailleurs anglais : l'un est austro-indien, un autre germano-argentin, un troisième franco-thaï...Londres, et plus particulièrement l'est de la capitale britannique, concentre un mélange culturel et ethnique exceptionnel. Ce grand melting-pot n'a d'égal que New York dans le monde. Ici, le multiculturalisme marche, contrairement à ce que veut bien dire David Cameron. Le Premier ministre britannique s'est récemment lancé - le jour même où se tenait une manifestation d'extrême droite - dans une diatribe contre le « multiculturalisme d'État ». « Nous avons encouragé différentes cultures à vivre des vies séparées », s'indigne-t-il. Il reprend ainsi une critique d'Angela Merkel, en Allemagne. Nicolas Sarkozy a cru bon de leur emboîter le pas : « Dans toutes nos démocraties, on s'est trop préoccupé de l'identité de celui qui arrivait et pas assez de l'identité du pays qui accueillait. »Cette analyse - ou ce populisme - a un défaut : elle est fausse. Bien sûr, le multiculturalisme n'est pas parfait. Dans l'est de Londres, où Shamin enseigne, l'immigration bangladaise - qui représente le tiers des habitants - se mélange mal au reste. Dans les écoles, les enfants bangladais restent souvent à part dans la cour de récréation. Quant aux « East Enders », ces Anglais blancs des classes ouvrières, qui dominaient autrefois le quartier, ils ne se mélangent pas non plus à l'immigration récente des classes moyennes qui viennent en grande partie d'Europe (Pologne, Italie, France...)Il n'empêche. Les frictions entre les communautés sont relativement limitées. Et qui oserait dire que les mêmes tensions n'existent pas dans les banlieues françaises ? Les scores du Front national dans les « quartiers chauds » de notre chère république sont là pour prouver que l'approche française « d'intégration » est loin d'être parfaite.Les myriades de Français issus de l'immigration qui viennent s'installer à Londres en sont la preuve. Tous répètent la même plainte : impossible, avec un nom étranger et une adresse dans un quartier difficile, de trouver un emploi en France. Tandis qu'à Londres l'origine n'a aucune importance pour les entreprises.L'exemple le plus spectaculaire est celui de Tidjane Thiam, un polytechnicien qui dirige aujourd'hui Prudential, la compagnie d'assurances multinationale. Après ses études en France, il s'est heurté à ce qu'il appelle le plafond de verre. N'arrivant pas à trouver un emploi à son niveau, il s'est tourné vers le monde anglo-saxon : d'abord les États-Unis, et désormais le Royaume-Uni.Les récentes attaques contre le multiculturalisme sont d'autant plus dommageables que les excès des années 1990 du Royaume-Uni sont terminés. Il n'est plus question aujourd'hui de laisser prêcher la haine dans les rues. Le « Londonistan », où l'islamisme pouvait prospérer au nom de la liberté d'expression, est terminé depuis longtemps.Sous Tony Blair, le Royaume-Uni a intégré des cours de « citoyenneté » dans les écoles, mis en place un examen de connaissance du pays pour les candidats à la naturalisation, et créé une cérémonie de remise officielle de la citoyenneté. Le danger, aujourd'hui, est d'aller un cran plus loin, et de jeter le bébé avec l'eau du bain.Que reproche-t-on à ce qu'il reste du multiculturalisme ? Les mairies traduisent les documents officiels dans les langues des immigrants qui le souhaitent. Un tel geste est indispensable si on ne veut pas complètement exclure ces populations.De même, les signes extérieurs de religion sont autorisés, y compris sur les fonctionnaires ou les enseignants. Et alors ? Qu'un policier sikh porte le turban ou qu'une enseignante musulmane mette le voile n'est ni du prosélytisme ni une agression culturelle.À South Kensington, le quartier français de Londres, les signes extérieurs du multiculturalisme sont évidents : lycée français, librairie française, boulangeries françaises... Dans la plupart des familles, on parle le français, même chez ceux qui vivent à Londres depuis des décennies. Nicolas Sarkozy y verrait-il la preuve d'un refus d'intégration ? L'analyse
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