Pour baisser les déficits, il est préférable de couper dans les dépenses

C\'est une idée bien ancrée dans le monde politique -y compris parmi les socialistes-, tout comme, bien sûr, dans les milieux patronaux : pour réduire les déficits publics, mieux vaut couper dans les dépenses qu\'augmenter les impôts, cela nuit beaucoup moins à l\'activité économique.Cette idée a-t-elle été validée par des économistes, par des recherches qui font consensus ? Absolument pas. Elle a été développée seulement par un économiste italien, Alberto Alesina, qui s\'est fait fort d\'étudier les épisodes dits de consolidation budgétaire. Il en a tiré deux conclusions : la réduction des déficits ne pèse pas sur la croissance, et mieux vaut la mener via la baisse des dépenses publiques.Erreurs méthodologiquesLe hic, c\'est que ses travaux, comme ceux de ses collègues Reinhart et Rogoff, dont on a appris au printemps que les conclusions reposaient sur des erreurs de calcul, sont critiquables, d\'un point de vue méthodologique.Alberto Alesina considère qu\'une baisse constatée du déficit public corrigé des effets de la conjoncture -tel que calculé par l\'OCDE-, quand elle atteint 1,5 point de PIB d\'une année sur l\'autre, est le signe d\'une politique délibérée de réduction des déficits. Or ceci est loin d\'être prouvé. Parfois, des événements -tels une forte hausse de la Bourse- provoquent une embellie subite de l\'économie, et donc une baisse spontanée des déficits, sans intervention politique. Cet économiste assimile  tous les épisodes de boom économique, qui ont provoqué un afflux de recettes fiscales, permettant donc de réduire le déficit, à une politique volontariste. Or de nombreux épisodes de ce genre sont liés à des éléments exogènes, et n\'ont rien à voir avec une décision gouvernementale.Les résultats différents du Fonds monétaire internationalIl faut donc exclure de tels événements de l\'analyse. C\'est ce qu\'ont fait les experts du Fonds monétaire international. Ils aboutissent alors à la conclusion inverse de celle d\'Alesina : si l\'on considère les seuls baisses du déficit liées à des décisions gouvernementales, on perçoit qu\'elles ont provoqué une baisse de la croissance.Les baisses de dépenses préférables, mais à une condition...La deuxième grande conclusion de l\'économiste italien, grandement popularisée, a été que la baisse des dépenses publiques est préférable à une hausse des impôts.L\'histoire nous montre que cette affirmation peut-être vraie à une condition : que ce choix provoque une baisse des taux d\'intérêt. Comment ? Les banquiers centraux estiment généralement que ce choix de diminuer les dépenses est le signe d\'un engagement plus net des gouvernements en faveur de la consolidation budgétaire. Dès lors, ils sont plus enclins à assouplir la politique monétaire. Ce qui est évidemment favorable à l\'économie.Mais, si les taux d\'intérêt sont déjà très faibles, comme c\'est le cas dans la zone euro, cette perspective n\'existe pas.Déprimer la demandeDès lors, la baisse franche des dépenses, synonyme de perte de pouvoir d\'achat pour les fonctionnaires ou les retraités, va affaiblir le pouvoir d\'achat, et contribuer à déprimer la demande. Elle est donc au moins aussi nocive qu\'une hausse d\'impôts. L\'idée qu\'une coupe dans les frais généraux de l\'Etat, sans effet sur la conjoncture, peut suffire, ne résiste pas à l\'analyse. Ces frais généraux ne représentent qu\'une partie marginale de la dépense publique. Rappelons qu\'en France, 58% de la dépense sont consacrés au paiement de prestations sociales (retraites, maladie, allocations familiales...). Les économistes keynésiens estiment même que les hausses d\'impôts sont moins défavorables : elles peuvent être financées par des sommes qui auraient été épargnées, sans alimenter la demande. Alors que les prestations sociales versées à des chômeurs sont, en général, entièrement dépensées.
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