LGV  :  une économie de plus en plus onéreuse

Le contrat de la ligne à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux confié à Vinci est riche d'enseignements pour l'analyse de l'économie des LGV. Il révèle tout d'abord le montant de la subvention nécessaire pour construire une LGV : un peu plus de 50 %. Ce chiffre généralement inconnu, caché au fond des comptes de RFF, est ici clair et solide. Trois sociétés très sérieuses étaient en concurrence, et l'attribution du contrat de 7,8 milliards a été à celle qui a demandé la plus petite subvention, 4 milliards. On ne cesse de nous répéter que les LGV sont une excellente affaire, très rentable, la vache à lait du rail français. On voit bien ici qu'il n'en est rien, et qu'elles ne se développent qu'au détriment des finances publiques.Les 300 km de la ligne Bordeaux-Tours sont la partie émergée de l'iceberg de 2.000 km de LGV décidé au Grenelle de l'environnement. Ces 300 km sont certainement parmi les plus rentables. Il y a évidemment davantage de trafic sur Paris-Bordeaux que sur Mulhouse-Dijon, le prochain tronçon prévu, pour ne pas parler de Poitiers-Limoges, également acté. Plus on avancera dans le programme du Grenelle, et plus le taux de subvention requis augmentera. Il sera vite de 60 %, puis de 70 %, voire davantage. Or lors de la préparation du Grenelle, il y a deux ans, le taux de subvention des LGV décidées était - promis, juré - inférieur à 30 % !Le contrat de Vinci nous dit aussi ce que devraient être les péages payés par la SNCF (ou d'autres opérateurs) à RFF pour l'utilisation des voies. Pour rembourser son investissement de 3,8 milliards, Vinci compte sur des péages de 250 millions par an pendant trente-cinq ans (correspondant à un taux de rentabilité interne modeste de 4,7 %). Pour rembourser l'investissement total de 7,8 milliards, il faut donc, avec ce même taux, des péages annuels de plus de 500 millions. Les péages que la SNCF devrait payer pour l'utilisation des 1.900 km de LGV existants devraient donc s'élever à 3,1 milliards. C'est à peu près ce que la SNCF paye actuellement pour les 30.000 km de l'ensemble du réseau. Un prix d'ami.Bien entendu, cette approche « lamentablement comptable » n'épuise pas le sujet. La ponction des LGV sur les finances publiques doit être comparée avec les gains sociaux engendrés par ces mêmes lignes. Le principal est le gain de temps : une heure par voyage. On compte actuellement 5 millions de voyages en train par an entre l'Aquitaine et la région parisienne. Si la LGV double ce nombre, cela fera un gain annuel de 7,5 millions d'heures, soit, à 13 euros par heure, un peu moins de 100 millions par an. Un deuxième gain social concerne la réduction de CO2 qui viendra surtout du glissement des 1,5 million de voyages en avion entre Bordeaux et Paris, soit une économie de 87.000 tonnes de CO2 par an. Même avec un généreux prix de 30 euros la tonne de CO2, cela fait moins de 3 millions d'euros par an. Les 4 milliards d'euros de dépense publique génèrent donc quelque 100 millions d'euros d'économies par an : c'est une mauvaise affaire, un gaspillage de fonds publics.Sans compter que cette LGV Tours-Bordeaux sera, comme les autres, franchement régressive. Qui paye les 4 milliards de subvention ? Tous les Français, principalement par l'intermédiaire de la TVA. À qui vont les gains de temps ? À ceux qui prennent les LGV. Avez-vous jamais vu beaucoup de smicards dans un TGV ? Les dirigeants, cadres supérieurs, et professions libérales, qui sont 8 % de la population adulte, font 46 % des utilisateurs du TGV Nord et 37 % du TGV Méditerranée. Les TGV sont d'admirables machines à transférer des ressources des pauvres vers les riches.La seconde est que ce Tours-Bordeaux est l'une des plus intéressantes, probablement la plus intéressante, des LGV supplémentaires du Grenelle. La topographie fait que les coûts seront inférieurs à ce qu'ils seront sur beaucoup d'autres lignes ; et la géographie fait que le trafic de Tours-Bordeaux sera l'un des plus importants. Pour la plupart des autres lignes, la subvention sera plus grande et les bénéfices (fonction du trafic) plus petits. Le comble est sans doute atteint par la LGV Lyon-Turin, qui coûtera deux ou trois fois plus cher et transportera cinq ou six fois moins de voyageurs, ce qui la rend socialement quelque 15 fois moins justifiée. Si un partenariat public-privé comme celui avec Vinci limite les risques, un PPP n'est pas une baguette magique qui transforme un mauvais projet en un bon projet. nPoint de vue Rémy PRUD'HOMME Professeur émérite à l'université de Paris XII
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