Directeurs d'hôpitaux : quand l'ouverture au privé bute sur les résistances des fonctionnaires

L'Ecole de Rennes, la Dauphine de la santé publique ? Depuis qu'elle a acquis en 2004, comme l'université Paris IX en 2006, le statut de grand établissement, l'Ecole des hautes études de santé publique (EHESP), qui forme les futurs cadres de la santé publique (directeurs d'hôpitaux, médecins inspecteurs, directeur des soins...), prend quelques libertés avec la politique suivie par l'école nationale de la santé publique (ENSP) qu'elle remplace depuis 2008. Sous l'impulsion de son directeur, l'épidémiologiste Antoine Flahault, elle multiplie les nouveaux diplômes en management de la santé (masters, doctorats) co-accrédités avec de grandes écoles telles que l'institut politique de Rennes, l'ESCP-Europe, la London School of Economics, HEC ou encore Mines ParisTech (certains atteignant 15.000 euros par an). D'ailleurs, l'EHESP est affiliée à la conférence des grandes écoles (CGE) depuis janvier dernier et fait partie du nouveau pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) Paris Cité aux côtés notamment des universités Paris 3, Paris 5, Paris 7, Paris 13 et de Sciences Po Paris.Publics plus larges« Avec sa création en 2008, l'EHESP figure en quelque sorte le poisson-pilote d'une réforme plus large, à savoir remettre dans le giron universitaire toutes les écoles publiques, qui sont une spécificité française. Notre mission est désormais d'établir une école de santé publique de niveau international tant en matière de formation que de recherche », explique Antoine Flahault, qui précise que, aux Etat-Unis, 50% des directeurs d'hôpitaux sont formés dans des écoles de commerce. En France, alors que les directeurs de cliniques privés sont souvent d'anciens médecins titulaires d'un MBA d'école de commerce, l'EHESP a le monopole de la formation des directeurs d'hôpitaux publics. « Mais cela va changer à terme car ce n'est pas compatible avec la législation européenne », anticipe l'épidémiologiste. En attendant, Antoine Flahault a décidé de s'ouvrir à des publics plus larges tels les ingénieurs et surtout les directeurs d'établissements privés. Un nouveau diplôme de management hospitalier, co-accrédité avec l'Essec, et qui doit voir le jour en janvier prochain, sera notamment destiné à ces derniers. La Générale de Santé;rale de Santé serait sur les rangs. Autre brèche à la formation classique de l'EHESP, les seules voies d'accès ne seront plus les concours externe et interne : « La formation sera ouverte à un nouveau public qui ne sera pas passé par le concours », explique Antoine Flahaut.Les étudiants de l'EHESP inquietsAutant dire que ces orientations créent des remous chez les étudiants de l'EHESP, qui, très attachés à leur mission de service public, n'imaginent même pas côtoyer des directeurs de cliniques privés dans les couloirs. Les directeurs d'hôpitaux publics sont eux aussi vent debout contre cette « ouverture ». Antoine Flahault, qui reconnaît l'inquiétude de ses étudiants, défend bec et ongles sa réforme, arguant qu'elle a été en partie avalisée par le dernier conseil d'administration : « Nous ne menaçons pas le service public. Il faut apporter des innovations aux enseignements. Le privé s'occupe aussi des patients ! Nous avons toujours cherché avec le président du conseil d'administration, Jean-François Mattei [Ndlr : ministre de la Santé de 2002 à 2004], à convaincre de l'intérêt pour tous de ces orientations. » Pour l'heure, cet objectif ne semble totalement atteint...
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