La semaine où l'affaire Kerviel a fait sauter Daniel Bouton

À courir plusieurs lièvres, on prend le risque de rentrer bredouille. Un écueil que n'a pas su éviter Hugues Le Bret dans son livre sur les coulisses de l'affaire Kerviel. À force de se mettre en avant (« Mon job, c'est de sauver cette banque »), de faire l'apologie de son ancien patron, Daniel Bouton, et d'accabler ses ennemis, réels ou fantasmés, l'ancien directeur de la communication de la Société Généralecute; Générale affaiblit son récit des heures cruciales de cette crise sans précédent. Dommage, car l'auteur disposait d'un point du vue imprenable sur le déroulement des faits, de la découverte des positions surréalistes mais bien réelles - 50 milliards d'euros?! - prises par un jeune trader au nez et à la barbe d'une armée de polytechniciens surpayés, à l'emballement médiatique qui a suivi la révélation de la perte de 4,9 milliards d'euros, quatre jours plus tard. La rupture de la confidentialité propre à son métier lui a d'ailleurs valu d'être démissionné dimanche du groupe au logo rouge et noir.Si l'on omet les deux premières pages, où l'ancien journaliste financier devenu lobbyiste, s'interrogeant subitement sur la supériorité du système capitaliste, dénonce le « cancer » qui ronge la finance avant de convenir que « ce n'est pas l'objet » du livre, le récit est haletant. Il fourmille de détails d'initié sur les peurs et les moments de stupeur, les doutes et les prises de décisions ultrasensibles, la stratégie et les tactiques, la puissance de réflexion et la force de réaction d'hommes de pouvoir soudain saisis par l'ampleur du danger et de leurs responsabilités, après avoir trop longtemps cru que leur intelligence leur permettait de tout contrôler. Mais au fil des pages, l'auteur se laisse aussi étrangement déborder par ses affects, signe que l'affaire a laissé en lui des traces psychologiques profondes qu'il ne cache pas. Il distribue des fleurs à son grand homme et à ses proches - les « meilleurs du monde », rien de moins - ainsi qu'à l'attitude de quelques personnages publics (Christine Lagarde et Christian Noyer notamment), sans oublier un rédacteur en chef ami et même son agence de com' préférée. Et massacre Philippe Citerne, l'ancien numéro deux de la banque trop populaire pour être honnête, qu'il accuse d'avoir cherché à aggraver la situation et à profiter de l'abattement du PDG pour lui « piquer sa place ». S'investissant corps et âme dans le règlement des comptes de Daniel Bouton, Hugues Le Bret dénonce le comportement de Nicolas Sarkozy, voué aux gémonies pour avoir appelé Bouton à « prendre ses responsabilités ». Incapable de « prendre en compte la dimension financière » de la situation, le président « ne réagit pas en homme d'État »?: « il cogne sur Daniel » pour se venger d'avoir été « tenu à l'écart ». L'auteur accuse même l'Élysée d'avoir, sous l'influence du président de BNP Paribas, Michel Pébereau, poussé la Société Généralecute; Générale à se vendre à son éternel ennemi. Et raconte qu'il a menacé les conseillers de Sarkozy de mobiliser les salariés-actionnaires de la banque contre tout raid hostile. Benjamin Jullien
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