Les poids moyens de l'automobile ont-ils un avenir  ?

"Je ne vois pas comment un constructeur qui ne produit que 2 ou 3 millions de voitures peut faire face", a martelé Carlos Ghosn, en scellant, cette semaine, son mariage avec Daimler. Fier d'intégrer "le club fermé des constructeurs qui fabriquent plus de 7 millions de voitures", le PDG de Renault et Nissan se dit convaincu que le salut de l'industrie automobile passe par les grands ensembles.De fait, l'Alliance Renault-Nissan (en incluant le russe Avtovaz dont Renault détient 25%) forme, avec Daimler, en théorie du moins, le quatrième groupe automobile mondial. Derrière Volkswagen-Suzuki (8,6 millions d'unités en 2009), Toyota (7,8 millions) et GM (7,5 millions).Economies d'échelleDe cet accord avec le groupe allemand, Carlos Ghosn attend surtout des économies d'échelle dans les petites voitures. La plate-forme dédiée aux petites Renault, utilisée l'an dernier à 250.000 exemplaires (Clio II et Twingo II) en Europe, devrait voir ses volumes fortement augmenter, voire doubler à terme. A partir de 2013, en effet, les futures Smart biplaces et quadriplaces seront fabriquées sur la même base que la prochaine Twingo. L'usine slovène de Renault assemblera d'ailleurs la Twingo III et la Smart à quatre places. Mêmes synergies sur les moteurs, fournis par l'Alliance Renault-Nissan. Un tel accord allonge donc indiscutablement les séries et réduit d'autant, en principe, les coûts unitaires. Renault-Nissan et Daimler misent d'ailleurs sur des gains de 2 milliards d'euros au moins chacun.Nouvelles normesC'est cette logique de réduction des coûts unitaires qui a amené Sergio Marchionne, le patron de Fiat, à s'allier l'an dernier avec l'américain Chrysler et à tenter, en vain, de racheter Opel, filiale allemande de GM. Les grandes alliances se forment pour deux raisons essentielles : les complémentarités géographiques ou de produits et les économies d'échelle. Pour Renault-Nissan-Daimler, ce sont ces dernières qui sont visées.Pourquoi cette urgence à baisser les points morts ? Parce que l'obligation d'adapter les moteurs aux prochaines normes anti-pollution, d'étudier de petites motorisations pour abaisser les émissions de C02, d'alléger les véhicules, etc. entraîne des surcoûts potentiels très lourds pour les constructeurs..Synergies difficilesDans ce contexte, les constructeurs de taille moyenne, essentiellement le français PSA, le japonais Honda, l'allemand BMW, sont-ils condamnés à trouver des alliés ? Ou à se retrouver marginalisés à terme ?Tout d'abord, notons que les mirifiques synergies inscrites sur le papier ne se réalisent pas toujours... Dieter Zetsche, le patron de Damler, a reconnu à plusieurs reprises que les économies d'échelle avaient échoué naguère entre son groupe et Chrysler, les gammes et les prix de vente étant trop disparates pour permettre d'échanger beaucoup de pièces.Fiat et GM, qui s'étaient eux aussi alliés avant de divorcer au début du millénaire, ont réalisé un joli fiasco, avec une prétendue plate-forme commune sur le haut de gamme. En conjuguant les desiderata contradictoires des uns et des autres, ladite plate-forme a coûté cher et n'a été utilisée en définitive que sur un seul modèle, l'Alfa Romeo159. Une usine à gaz complexe et fort onéreuse ! Coopérations techniques efficacesSans nouer d'alliance globale, PSA (3,19 millions d'unités vendues en 2009) est devenu l'un des plus gros et meilleurs fabricants de diesels, à travers une simple coopération technique avec Ford. Il dispose d'une gamme de petits moteurs à essence très performants, grâce à une collaboration avec BMW. Et il fait figure de champion des utilitaires et des petits modèles, via de fructueuses et durables coopérations avec Fiat et Toyota. Des opérations des plus rentables.Par ailleurs, si isolés soient-ils, Honda (3,39 millions) et BMW (1,29 million) comptent certainement parmi les constructeurs les plus rentables en moyenne sur la dernière décennie. Et leur technologie est enviée par nombre de rivaux.Mieux : BMW a pu consacrer ses moyens financiers et humains à se développer, pendant que Mercedes (Daimler) renflouait Chrysler et un temps Mitsubishi, sans d'ailleurs y parvenir.Enfin, si la taille était le seul critère, GM aurait dû faire figure de champion des profits et de la rationalité. Or, GM a perdu 90 milliards de dollars ces dernières années. Résultat : la failite et la nationalisation !PSA à l'affûtLes modes managériales étant ce qu'elles sont, il est toutefois certain que les dernières alliances nouées entre Fiat et Chrysler ou entre Renault, Nissan et Daimler, vont obliger les concurrents à réagir et surenchérir. Philippe Varin, le président de PSA, cherche depuis son arrivée il y a un an à la tête du groupe, à nouer un rapprochement capitalistique avec un autre constructeur, tout en approfondissant les coopérations en cours. Mais il vient d'échouer à échanger des participations avec le japonais Mitsubishi Motors. Faute notamment d'argent disponible. BMW esseuléIl pourrait alors se rapprocher de BMW, esseulé depuis que Daimler s'est lié à Renault. Au-delà des moteurs communs avec PSA, le bavarois pourrait tenter de chercher une plate-forme pour ses petites voitures auprès du français.Cela ira-t-il plus loin qu'une nouvelle collaboration technique ? Un échange d'actions poserait le problème des différences de valorisation des deux constructeurs, BMW pesant bien plus que PSA. Pour pallier sa faiblesse en Asie, PSA pourrait se contenter d'une alliance régionale en Chine avec un groupe local.Honda, le solitaire heureuxQuant à Honda, il n'y pas d'urgence pour lui, actuellement. Le groupe nippon est très fort en Amérique du nord et en Chine, deux solides piliers de sa croissance à long terme. Ces trois constructeurs produisent, en tous cas, visiblement, des voitures qui plaisent au public. Leurs chiffres de ventes le prouvent. C'est quand même l'essentiel, dans l'industrie automobile !
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