Financement des PME : le capital-investissement crie haro sur Solvabilité 2

L’Association française des investisseurs pour la croissance (Afic) réclame une modification "urgente" de la directive relative au renforcement des fonds propres des assureurs, qu’elle juge "extrêmement nocive pour la reprise de l’économie."
Christine Lejoux
A l'échelle mondiale, la part des assureurs dans les levées de fonds du capital-investissement a été ramenée de 13% en juin 2008 à 10% en juin 2013, selon Preqin. REUTERS.

 Après les banques, les assureurs vont-ils réduire en masse leurs investissements dans le private equity français ? C'est l'une des principales inquiétudes de Louis Godron, le président de l'Association française des investisseurs pour la croissance (Afic), qui organisait sa conférence annuelle ce mercredi 9 avril, à Paris. Louis Godron a saisi cette occasion pour redire tout le mal qu'il pense de la directive Solvabilité 2, votée en 2009 par le Parlement européen et qui entrera en application en janvier 2016.

 Ce texte imposera aux assureurs européens d'augmenter les fonds propres placés en regard d'investissements jugés particulièrement risqués, comme le private equity, à l'image de ce que la nouvelle règlementation de Bâle III exige déjà du secteur bancaire.

"Nous savons combien Solvabilité 2 va peser sur les assureurs qui investissent dans le private equity, puisque le capital-investissement est classé dans la pire catégorie des risques, et ce, sans aucune justification statistique",

déplore le président de l'Afic.

 Une charge en capital de 49% pour le non-coté, contre 39% pour les actions

 Pour mémoire, pour un euro investi dans le non-coté, Solvabilité II commandera aux assureurs de provisionner 49 centimes de capital, soit un taux de charge de 49%. A titre de comparaison, les placements dans des actions cotées en Bourse subiront une charge en capital de 39% "seulement." Une différence de traitement que Louis Godron "ne comprend pas." Aussi le patron de l'Afic, à moins de deux ans de l'entrée en application de Solvabilité II, juge-t-il "urgent que ce ratio soit modifié."

 Les assureurs n'ont d'ailleurs pas attendu l'entrée en vigueur de la directive pour réduire leurs allocations au capital-investissement. Alors qu'ils figuraient parmi les principaux pourvoyeurs de fonds du private equity français, au côté des banques, avec près de 2 milliards d'euros d'investissements annuels de 2006 à 2008, leurs largesses sont tombées à moins de 600 millions d'euros par an, en moyenne, depuis 2009, date de l'adoption de Solvabilité 2 par le Parlement européen.

 La part des assureurs dans les levées de fonds ramenée de 13% à 10% en 5 ans

 Certes, les investissements des assureurs dans le non-coté français ont rebondi en 2013, à 2,1 milliards d'euros, mais ce retour à meilleure fortune tient en partie à la colossale levée de fonds de 2,8 milliards réalisée par Ardian (ex Axa Private Equity), une somme souscrite à hauteur de 28% par Axa. Et, à l'échelle mondiale, la part des assureurs dans les levées de fonds des sociétés de capital-investissement a été ramenée de 13% en juin 2008 à 10% en juin 2013, d'après une étude publiée le mois dernier par le cabinet Preqin.

 L'Afic est d'autant plus remontée contre Solvabilité 2 que, dans l'absolu, les assureurs ne demanderaient pas mieux que d'accroître leurs investissements dans le private equity, cette classe d'actifs leur offrant un rendement attrayant dans le contexte actuel de taux d'intérêt très bas. "Le capital-investissement représente une bonne diversification pour les assureurs, nous le constatons lors de nos discussions avec la Fédération française des sociétés d'assurance. Mais Solvabilité 2 bride ce mouvement", regrette Louis Godron.

 Des conséquences sur le financement de l'économie

 Et le président de l'Afic de qualifier cette directive de " mesure extrêmement nocive pour la reprise économique." De fait, derrière le moindre abondement du capital-investissement par les assureurs, c'est le financement de l'économie qui est en jeu, le private equity français soutenant quelque 1.500 PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) par an. Un soutien à bout de bras, la raréfaction des ressources du capital-investissement - notamment de celles en provenance des banques - ne lui permettant plus que d'injecter 6 milliards d'euros par an dans l'économie, alors que les besoins en fonds propres des PME et des ETI françaises tournent autour de 11 milliards chaque année.

 Le 11 février, le Conseil économique, social et environnemental s'était, lui aussi, ému des conséquences potentielles de Solvabilité II sur le financement de l'économie, estimant que "ces règles vont conduire les assureurs à s'éloigner des risques des entreprises." La porte ne semble cependant pas définitivement fermée à certains aménagements de Solvabilité 2, qui doit encore être formellement adoptée par le Conseil européen : "Il y a une lueur d'espoir", a glissé Louis Godron, mercredi.

Christine Lejoux

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Commentaires 5
à écrit le 10/04/2014 à 18:23
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Qu'attent t-on pour lancer un emprunt national pour les PME à souscrire par les particuliers à un taux proche des pel avec la garantie en capital garanti par l'état et bien sur avec les interêts non fiscalisés (jusqu' à une certaine limite) chiche ....

le 11/04/2014 à 10:39
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Toujours la même rengaine du patronat français, dettes publiques (risques compris) pour bénéfices privés... Pourquoi ne pas simplement partager les profits avec les actionnaires à travers un PEA-PME accessible à tous (salariés inclus)?

à écrit le 10/04/2014 à 12:04
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Vous dites bankster, vous oubliez fonxter... pour la collusion entre l'Etat et les banques... il faut séparer les institutions. Le but des dirigeants c'est de piller le pays en faisant sauter les banques? On appelle cela développement économique? Alo...

à écrit le 10/04/2014 à 10:19
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Les banksters sont devenus des notaires déjà .... bref pour reste c'est foutu ! Après le discours de Valls on embauche les copains .... Nous sommes mal barrés !

à écrit le 09/04/2014 à 20:08
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Le mal est déjà fait : les assureurs ont réduit drastiquement depuis des années la part des actions dans leurs investissements, et çà n'a pas aidé dans la crise boursière de 2007-2008. Pour le plus grand bonheur des vendeurs à découvert, qui se sont ...

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