Les dessous du fiasco Eurostar

Presque deux mois après le fiasco qui a vu cinq trains tomber en panne en même temps dans le tunnel sous la Manche, Eurostar a été vivement critiqué, vendredi, pour sa gestion de la crise. Un rapport « indépendant » estime que si des améliorations techniques auraient été possibles sur les trains pour éviter les pannes, les conditions météorologiques exceptionnelles expliquent grandement ces avaries. En revanche, la façon dont Eurostar a réagi, et particulièrement le manque de communication et de confort dans certains des trains dont les lumières s'étaient éteintes, est jugée inacceptable.Le rapport, réalisé par Christopher Garnett, ancien directeur de la compagnie ferroviaire GNER, et Claude Gressier, administrateur de la SNCF, revient d'abord sur la succession de pannes, dans la nuit du 18 au 19 décembre. Cette nuit-là, cinq trains tombent en panne quasiment en même temps, bloquant 2.500 passagers. Si le premier a été rapidement secouru, les quatre suivants se sont retrouvés en même temps sous le tunnel, perdant tour à tour le contrôle de leur moteur.Bobines et court-circuitsL'explication est atmosphérique. Quarante centimètres de neige tombent en quelques heures, mais à l'intérieur du tunnel, la température reste autour de 25C, dans une atmosphère très humide et pleine de poussières de métal. Cela conduit à deux phénomènes. D'une part, la neige fond et s'introduit progressivement dans les moteurs, provoquant des courts-circuits. D'autre part, et cela a été moins souvent dit, les bobines d'induction des moteurs sont situées quelques centimètres sous le toit seulement ; or, le froid de la neige sur le toit, suivi d'un brusque réchauffement, a provoqué de la condensation, qui a aussi mené à des courts-circuits, sans même qu'il y ait eu de fuites.En conséquence, le rapport préconise d'urgence (« avant le prochain hiver ») une meilleure isolation du toit, une amélioration des filtres à neige, et une meilleure protection des composants sensibles. Mais à moyen terme, il faudra prévoir une nouvelle conception du toit et rendre la protection des composants sensibles entièrement étanche.Assis sur le sol graisseuxEn revanche, l'inconfort des trains et de leur évacuation est très sévèrement critiqué. C'est particulièrement vrai pour le train qui venait de Disneyland-Paris. « C'est le pire train possible, plein d'enfants fatigués et de parents fatigués », note Christopher Garnett. La batterie de secours ne s'étant pas activée, les passagers se sont retrouvés dans le noir et sans climatisation, ce qui a immédiatement fait augmenter la température. Le fort accent français du chef de train a, semble-t-il, accentué les difficultés de communication.Une heure plus tard, une navette Eurotunnel, normalement utilisée pour des voitures, est arrivée pour faire évacuer le train. Assis à même le sol graisseux, dans un train cette fois-ci très froid, les passagers étaient « dans de fort mauvaises conditions », reconnaît le rapport. Les dix toilettes disponibles pour les 664 passagers ont rapidement débordé.Cela pousse le rapport à exiger d'importantes améliorations dans les mesures d'évacuation et de secours : plus d'exercices de secours, meilleure formation du personnel d'Eurostar, amélioration des contacts entre Eurostar et Eurotunnel (responsable de la sécurité dans le tunnel), équipement des trains de lampes torches...34 millions à investirLe dernier élément du rapport concerne la communication vers l'extérieur et l'après-crise. Le site internet d'Eurostar est longtemps resté sans aucune information. Le centre d'appel était débordé. De plus, aucun plan d'urgence n'était prévu pour renvoyer les passagers vers d'autres moyens de transport, que ce soit en bateau, en Eurotunnel ou en avion.Enfin, et c'est au coeur des difficultés, le rapport recommande de simplifier la structure d'Eurostar, qui compte actuellement trois acteurs : Eurostar UK, SNCF et SNCB (Belgique). L'unification de la structure est jugée urgente. En réponse à ces critiques, Eurostar a annoncé, vendredi, qu'il allait investir 34 millions d'euros dans les prochains mois pour améliorer la fiabilité de ses trains ainsi que ses systèmes d'information. L'entreprise va aussi mettre en place une équipe dirigée par Richard Morris, un ancien cadre d'Eurotunnel, pour superviser la mise en oeuvre des préconisations de ce rapport.
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