Georges Frêche, le croisé de l'antiparisianisme

Que diront les commentateurs et les leaders des grands partis si, au soir du second tour des élections régionales, Georges Frêche est réélu à la présidence du Languedoc-Roussillon ? Il y a fort à parier qu'ils seront gênés aux entournures. Mis au banc du PS et de la classe politique après sa sortie douteuse sur la « tronche pas catholique » de Laurent Fabius, l'ancien maire de Montpellier est visiblement content de perturber son monde et d'ébranler les certitudes de la classe politico-médiatique. « Il a réussi à plonger les bobos de Paris dans un état de surexitation proche de l'apoplexie », estimait, jeudi dans « Le Figaro », le philosophe et ancien ministre de l'Éducation Luc Ferry. « Les idées de Georges Frêche ne sont pas des idées de gauche » peut bien déclarer Laurent Fabius, les électeurs languedociens, y compris bon nombre de socialistes, ne semblent pas tenir rigueur au baron de Septimanie de ses propos à l'emporte-pièce. En effet,selon les sondage, dans tous les cas de figure, Frêche serait réelu à la tête de la région qu'il préside depuis 2004. « Je suis populaire, pas populiste », affirme l'interessé, qui dénonce « le langage formaté des Parisiens ». Politiquement incorrectAntiparisianisme, bon sens populaire face au « politiquement correct » des élites, solide bilan d'élu local : les clés du succès de Frêche sont rustiques mais efficaces. À vrai dire, il n'est pas le premier à jouer la carte de la proximité avec ses électeurs pour se maintenir aux affaires face à une tempête médiatique. C'est presque devenu un classique de notre vie politique. Avant de finir sa vie à Punta del Este en Uruguay, Jacques Médecin a mené une belle carrière politique qui l'a conduit au gouvernement sous Valéry Giscard d'Estaing tout en faisant régulièrement l'objet de soupçons et d'enquêtes de la justice. Après avoir succédé à son père à la mairie de Nice en 1966, il a constamment été réelu ? et largement ? à ce poste jusqu'en...1990. Preuve que les électeurs niçois ne lui tenaient pas outre mesure rigueur des soupçons d'affairisme qui pesaient sur lui. Même après sa démission forcée en 1990, pour cause de condamnation, Médecin a toujours conservé de nombreux supporters dans sa ville et son département des Alpes-Maritimes, qui cultive, il est vrai, un particularisme historique face à Paris. À l'autre bout de la France, les électeurs nordistes n'ont pas davantage tenu rigueur à Jacques Mellick d'avoir fourni un alibi de complaisance à Bernard Tapie dans l'affaire OM-VA. À peine sa condamnation pénale pour ce faux témoigne purgée, il a été réelu sans problème maire de Béthune. Ses administés lui ont toujours été reconnaissants d'avoir dynamisé leur ville. Poignées de mainLes ennuis judiciaires n'ont jamais rebuter les électeurs lorsque leur élu s'affirme proche de leurs préoccupations. Ainsi, à Levallois-Perret, le sulfureux Patrick Balkany a pu reprendre sans problème les clés de la mairie aux élections de 2001 après une condamnation et une inéligibilité pour prise illégale d'intérêt. Comme l'ex-socialiste Frêche, le sarkozyste Balkany sait se rendre indispensable sur le terrain et ne répugne jamais à distribuer les poignées de main. Visiblement, peu importe aux Levalloisiens que les médias nationaux n'apprécient guère son attitude arrogante et son style parvenu. Enfin, changer de conviction en politique n'est pas forcement un handicap pour une longue carrière locale, pourvu que celle-ci soit enracinée. Tour à tour giscardien, mitterrandiste, allié avec le Front national, centriste, et aujourd'hui UMP, Jean-Pierre Soisson n'a jamais cessé de vanter les charmes de sa Bourgogne natale. Ses électeurs lui en ont été visblement reconnaissants : il a pu se maintenir de 1971 à 1998 à la mairie d'Auxerre et est député de l'Yonne depuis 1968.
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