Aux Etats-Unis, même les villes font faillite

Déjà mis à l'index dans les années 2000 par l'EPA - l'Agence environnementale américaine - pour ses émissions de dioxine, voici que l'incinérateur d'Harrisburg, la capitale (47.000 habitants) de l'État de Pennsylvanie, dans le nord-est des États-Unis, pourrait précipiter la ville vers la faillite. La municipalité garantit en effet la dette contractée par l'usine d'incinération, rénovée en 2004, soit un total de 288 millions de dollars, et doit en conséquence en assurer le service (remboursement du principal et paiement des intérêts). En 2010, ce sont quelque 70 millions de dollars que la ville devra rembourser. Une somme qui s'ajoute à ses autres obligations. Sur les cinq années qui viennent, le poids total de la dette municipale d'Harrisburg devrait ainsi s'élever à 164 millions de dollars, dont 144,8 millions pour le seul incinérateur ! Mais comment payer alors que les rentrées fiscales sont en chute libre, en raison de la crise économique qui frappe sévèrement cet État à l'industrie vieillissante ? Seule solution, selon le contrôleur financier de la ville, Dan Miller : se placer sous la protection du chapitre 9 des faillites.Dans le sillage de la crise de 1929Comme le chapitre 11 pour les entreprises, le chapitre 9, destiné exclusivement aux municipalités et adopté dans le sillage de la crise de 1929, leur permet de restructurer leurs dettes auprès des créanciers, autorisant même les villes à revoir les pensions des fonctionnaires ou leurs contrats de travail. Si le maire d'Harrisburg se refuse pour l'instant à écouter les sirènes de la procédure de faillite, la ville ne serait pas la première à l'utiliser, même si c'est assez rare. L'exemple le plus célèbre est celui du comté d'Orange, en Californie, qui a opté pour cette solution en 1994, après avoir investi sur les marchés de dérivés et perdu 1,6 million de dollars...279 collectivités locales dégradéesPlus récemment, en 2008, la ville de Vallejo, également en Californie, a dû y recourir, faute de pouvoir faire face à ses obligations en matière de pensions. Même chose pour Prichard, une petite bourgade d'Alabama, en 1999 : elle était incapable de payer les retraites, augmentées, qui plus est, sur décision de l'État. D'autres ont vu leurs comptes plombés par la perte d'un procès, l'impossibilité de lever des fonds sous forme de contraventions au Code de la route, ou encore, dans le cas de Washington Park, dans l'Illinois, en 2009, parce qu'une cour avait déclaré inconstitutionnelle sa volonté de taxer les bars « topless » sur son territoire... Toujours est-il qu'entre la faiblesse des rentrées fiscales et l'alourdissement des dépenses, dus dans les deux cas à la crise économique, les municipalités américaines souffrent, d'autant qu'elles rechignent souvent, à l'inverse des entreprises, à licencier leurs salariés, policiers, professeurs ou pompiers. Du coup, leurs capacités de remboursement sont de plus en plus mises en doute par les agences de notation. En 2009, l'agence Moody's a dégradé la note des obligations municipales, les muni bonds (dont le marché s'élève au total à quelque 2.800 milliards de dollars), à un rythme jamais vu depuis deux ans. La note de la dette de 279 collectivités locales, dont la Californie, l'Illinois et l'Arizona, de même que celle de nombreuses municipalités a ainsi été réduite, contre 81 seulement en 2008. Sur la même période, les États ont vu leurs rentrées d'argent baisser comme jamais depuis quarante-six ans, selon les indications du Nelson Rockefeller Institute of Government. Et Moody's estime que les dégradations de dettes municipales et d'État devraient se poursuivre cette année... Lysiane J. Baudu
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