L'analyse de Erik Izraelewicz : Dix ans après, leçons d'un krach

L'histoire ne se répète jamais ; il n'est pourtant pas inutile d'y revenir pour tenter de comprendre ce que l'avenir pourrait nous promettre. Il y a dix ans tout juste, la bulle Internet explosait. Après cinq années d'une chevauchée fantastique, le Nasdaq (la bourse électronique américaine) entamait, le 13 mars, une redoutable dégringolade, entraînant dans sa chute tous les indices boursiers du monde. C'était la fin de cette folle épopée où l'on avait cru que tout était possible, que l'on pouvait lever des fonds avec rien, une idée, une promesse, un business plan sans le moindre début de preuve. Alors que l'on s'interroge aujourd'hui sur notre après-crise, sur ce que sera le monde après le krach des subprimes, la crise des start-up du Net du début de la décennie passée nous apporte peut-être quelques utiles enseignements. Une impitoyable sélectionPremière leçon de cette histoire : un krach laisse des traces. À ceux qui se demandent aujourd'hui si l'on reviendra, après la crise des subprimes, au « business as usual », aux affaires comme avant, l'histoire donne une réponse claire et nette: elle est négative. Le krach de mars 2000 a mis fin aux dérives d'un écosystème qui n'avait pas totalement démérité. Celui-ci, avec ses « venture capitalists », ses inventeurs d'un jour, sa conviction d'une croissance infinie, s'en est trouvé profondément transformé. Dix ans après, le Nasdaq n'a jamais retrouvé les niveaux délirants qu'il avait atteints alors (il cote à la moitié à peine de ce qu'il valait le 9 mars 2000). Le krach a durement affecté l'ensemble des marchés actions. Ce n'est sans doute pas un hasard si la décennie 2000-2010 a été l'une des plus mauvaises de toute l'histoire boursière. Le krach du Net a aussi joué comme un redoutable tamis. Il a opéré une impitoyable sélection parmi les animaux que la bulle avait nourris. Les plus gros ont bien résisté, voire en sont sortis renforcés ? les Microsoft, Cisco et autres Intel. Les plus folkloriques, et d'autres, ont disparu comme cette petite boîte américaine, Pets.com, qui, en proposant de vendre sur le Net des abreuvoirs pour chiens, avait réussi à lever 100 millions de dollars en quelques minutes. Il n'y a eu finalement que quelques rescapés. Ils sont aujourd'hui les stars du zoo : ce sont les Google, eBay, Amazon et autres Yahoo. La bonne idée au bon momentDeuxième leçon de l'histoire : le krach ne tue pas que les mauvaises idées ; il est fatal aussi aux idées prématurées, à celles qui viennent trop tôt. Le Web mobile, la TV sur le Net et les réseaux sociaux connaissent aujourd'hui une véritable explosion. La presse anglo-saxonne rappelait opportunément cette semaine que tout cela, des pionniers y avaient pensé bien avant Apple, YouTube ou Facebook, que ces pionniers n'avaient pourtant pas survécu au krach de mars 2000. Ils étaient arrivés trop tôt. La technologie ne tient pas toujours ses promesses - du moins dans son rythme et dans ses coûts. Pour le Net, elle n'a ainsi pas évolué aussi vite et n'a pas permis une baisse des prix aussi rapide que les plus imaginatifs ne l'avaient espéré. Ce ne sont pas en définitive les inventeurs qui ont emporté la mise, ce sont les suiveurs. Crise américaine, domination américaineTroisième leçon enfin : un krach américain, ce n'est pas un malheur pour l'Amérique ; c'est même bien souvent pour l'Amérique l'occasion de renforcer son leadership. La bulle Internet était clairement, au départ, un phénomène américain, une folie californienne, une histoire « made in Silicon Valley » même. Son explosion idem. Le krach y a fait, là-bas, des ravages redoutables - parmi les investisseurs, les start-up et les autres. Il n'empêche : dix ans après, la planète Internet est plus que jamais dominée par quelques grands acteurs...américains. Même si la révolution du Net a donné naissance dans chaque pays à des petites stars (des portails chinois, des cybercommerçants français, etc.), on ne trouve, pour l'instant, dans les stars mondiales du Net, aucun acteur non américain. La crise financière déclenchée par l'explosion des subprimes est bien sûr différente du krach de la bulle Internet. On peut pourtant penser qu'elle aura des conséquences assez proches. Un : elle laissera des traces profondes. D'ores et déjà, elle a fonctionné comme un véritable tamis au sein du monde financier - certaines banques ont disparu, absorbées ou fermées, d'autres se sont renforcées. Deux : ce ne sont pas obligatoirement les plus imaginatifs mais les plus malins, ceux surtout qui sauront jouer du timing le plus opportun, qui en sortiront vainqueurs. Trois : parmi ces vainqueurs, il y a fort à parier que l'on retrouvera nombre d'institutions financières américaines. La crise a été, à l'origine, américaine, la finance américaine pourrait pourtant néanmoins en sortir renforcée ! Rendez-vous dans dix ans. Pour la prochaine crise.
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