L'effondrement moral de l'idéologie libérale

La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 a suscité la prise de conscience planétaire, qui n\'a fait que croître depuis, de l\'effondrement de l\'idéologie communiste. La rumeur qui enfle dans le monde depuis le 15 septembre 2008 est que la faillite de la plus grande banque d\'investissement américaine a entraîné avec elle celle de l\'idéologie libérale. Comme l\'a écrit Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI, derrière la crise de confiance des marchés qui a entraîné une paralysie systémique depuis cinq ans du secteur bancaire, on découvre une crise plus profonde encore du libéralisme : pauvreté endémique du tiers-monde, crise climatique sans précédent, crise alimentaire, crise énergétique, retour à l\'unilatéralisme dans les relations internationales, et crise culturelle. A cette hydre à 7 têtes il faut ajouter encore la crise de la démocratie libérale, qui est aussi une crise du sens, une crise politique.Trois phénomènes prouvent la perte de légitimité de la démocratie libéraleEn France comme aux Etats-Unis les Etats surendettés ont perdu la confiance de leurs peuples. La perte de légitimité de la démocratie libérale apparaît clairement à travers au moins trois phénomènes. L\'épuisement du rayonnement international de démocraties comme la France et les Etats-Unis est patent. La première n\'a pu que constater la soif de liberté des pays arabes tandis que la seconde ne peut plus comme l\'a dit Barack Obama à Jérusalem que confier la responsabilité de la paix au Proche Orient au seul Etat d\'Israël. A cette prise de conscience de la crise de la souveraineté des Etats-nations modernes, il faut ajouter la découverte de l\'effondrement moral de l\'idéologie libérale. Régis Debray a dénoncé avec vigueur les politiques culturelles de l\'Etat français. Celui-ci s\'ingénue depuis plusieurs décennies à promouvoir les œuvres les plus nihilistes du patrimoine mondial contemporain.Une réaction anti-démocratique des pays ex communistesReprise par la plupart des démocraties occidentales, cette politique culturelle libérale n\'a fait que provoquer la réaction anti-démocratique des pays ex-communistes excédés de recevoir des leçons de bonne gouvernance de pays n\'hésitant pas à pratiquer la corruption tant économique que morale à grande échelle à l\'intérieur comme à l\'extérieur de leurs frontières. Enfin les dernières élections en Europe révèlent un repliement populiste des nations sans précédent. Les peuples à qui les Etats démocratiques libéraux expliquent depuis des décennies que l\'inévitable mondialisation condamne toute tradition et tout sens de la communauté nationale n\'ont plus d\'autre solution comme le dit Jürguen Habermas que de « retenir leur souffle et de rentrer la tête dans leurs épaules ». Mais en France la Commission Jospin censée proposer un nouveau souffle démocratique n\'a été en mesure que d\'accorder pour les élections législatives un scrutin électif uninominal à deux tours avec une proportionnelle limitée à 10% des députés.L\'incapacité de la science politique à sortir de l\'impasse social-libéraleIl est frappant de constater que malgré cette prise de conscience croissante de la crise du libéralisme les politologues français contemporains ne parviennent pas dans leur ensemble à en tirer les conséquences appropriées. On continue dans les instituts d\'études politiques à célébrer le penseur libéral John Rawls comme le chantre de l\'authentique justice sociale. Tandis qu\'à l\'inverse on continue dans les programmes d\'économie des lycées à célébrer « l\'utopie rationnelle » de Pierre Bourdieu présenté comme le seul adversaire authentique de la mondialisation ultra libérale. Aussi est-il légitime de se demander si la crise de la démocratie libérale ne se trouve pas d\'abord dans l\'incapacité de la science politique contemporaine à sortir de l\'impasse sociale-libérale dans laquelle elle se trouve. Celle-ci à bien des égards porte la responsabilité de la mutation actuelle de la philosophie politique des démocraties occidentales du libéralisme en libertarisme. Le lyssenkisme des gouvernements démocratiques libéraux qui en viennent à nier jusqu\'à la réalité naturelle de l\'hétérosexualité comme source d\'engendrement des personnes risque pourtant de conduire à la même cruelle désillusion devant laquelle s\'est trouvée l\'URSS à la fin des années 1980. Le gouvernement socialiste ne fut pas en mesure alors de détourner le cours des fleuves comme le souhaitait Lyssenko. En revanche il fut confronté à la plus grande catastrophe nucléaire de l\'histoire humaine.Un dialogue constructif avec les héritiers du personnalismePourtant au début des années 1930 un peu partout dans le monde, de Nicolas Berdiaev à Emmanuel Mounier, de Reinhold Niebuhr à John Macmurray un puissant courant personnaliste s\'était levé pour apporter une alternative à l\'effondrement prévisible de la modernité social-libérale. Ce courant philosophique, théologique et politique a donné de nombreux fruits chez des personnalités telles que Karol Wojtyla, Martin Luther King ou Alexandre Soljénytsine. Certes comme l\'a écrit Paul Ricoeur le personnalisme ne doit pas être lui-même transformé en idéologie. Il s\'agit de bien garder présent à l\'esprit que le cœur du personnalisme est de considérer la dignité humaine comme une réalité extra-mondaine, permettant à chaque homme et à chaque femme de s\'opposer à un ordre injuste. Mais rien n\'interdit à la science politique aujourd\'hui d\'accepter d\'évaluer les fondements métaphysiques voire théologiques de ses propres a priori. Elle pourrait alors enfin nouer un dialogue constructif avec les héritiers du personnalisme et notamment avec les nouveaux « penseurs de la communauté » aux Etats-Unis (tels que Stanley Hauerwas), de la « ResPublica » en Angleterre (John Milbank) ou, en France, d\'un nouveau « pacte civique » (Jean-Baptiste de Foucauld) ou d\'une « écologie humaine » (Tugdual Derville). Elle retrouverait alors dans certaines formules d\'Emmanuel Mounier un horizon de sens commun pour les démocraties post-modernes du monde globalisé : «Si la vocation suprême de la personne est de se diviniser en divinisant le monde, de se personnaliser surnaturellement en personnalisant le monde, son pain quotidien n\'est plus de peiner, ou de se divertir, ou d\'accumuler des biens, mais heure par heure de créer autour d\'elle du prochain. Sa quotidienneté ne prendra plus à ce moment le visage du refus, de l\'aigreur, de la revendication, de l\'hostilité ou simplement de la froideur et de la fermeture, elle sera disponibilité, accueil, présence, réponse, compréhension, bonheur des rencontres. »  Le collège des Bernardins organise les 19 et 20 avril un colloque sur le thème de la démocratie  
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