La prestigieuse notation souveraine AAA, une espèce en voie de disparition

Retour vers le passé : lorsqu'en 1998 l'agence Moody's annonce qu'elle retire au Japon sa prestigieuse note souveraine AAA, la meilleure de son classement, elle lâche une véritable bombe sur la planète financière. C'était la première fois qu'une agence d'évaluation financière osait s'attaquer à une grande puissance mondiale, en l'occurrence la deuxième, en dénonçant son niveau d'endettement. Lorsque, le 5 août dernier, sa rivale Standard & Poor's fait tomber les États-Unis du même piédestal, c'est à peine si le monde financier sort de sa torpeur estivale. Certes, la classe politique américaine s'agite un peu, mais le déclassement de la note de crédit américaine ne va pas alourdir les coûts de financement de l'Oncle Sam. D'un peu plus de 2,50 % lorsque tombe la sanction, le taux des emprunts d'État à 10 ans va refluer jusqu'au plancher historique de 1,67 % un mois et demi plus tard et oscille aujourd'hui autour de 2 %. Deux pays sont sur la sellette L'addition serait sûrement plus douloureuse si la France, sous surveillance de Moody's car elle est le triple A le plus endetté, devait partager ce sort, car son marché obligataire est moins profond et moins liquide, mais ce ne serait pas un drame. Tout au plus tomberait-elle à AA+, comme les États-Unis, ce qui représente une note de crédit parmi les plus envieuses du monde. Même s'il en va de l'honneur national, ce qui explique que les autorités ferraillent pour protéger ce trésor de guerre. Car le club des AAA a fondu au cours des dernières années. C'est même une espèce en voie de disparition. Ils ne sont plus que quatorze pays à figurer au palmarès et le nombre de souverains dotés du fameux sésame va encore s'amenuiser. L'Autriche et la Grande-Bretagne sont sur la sellette. Écarts de rendement La crise, déclenchée par les subprimes aux États-Unis à la mi-2007 et dont le curseur s'est déplacé vers la dette souveraine de la zone euro en 2010, est loin d'être terminée comme en a encore attesté mardi le violent creusement des écarts de rendement à long terme dans la zone euro, dont le marché obligataire s'est désintégré au cours des derniers mois. Il n'y a tout simplement plus de marché unifié des emprunts d'État de la zone euro. À des années de convergence puis d'intégration des taux à 10 ans vers ceux du meilleur élève de la classe, l'Allemagne dont le fameux bund a (presque) toujours attiré les investisseurs comme un aimant, a succédé une pléthore de marchés nationaux pour le moins hétéroclites. On voit ainsi cohabiter dans une même zone monétaire un taux de 1,75 % pour la dette allemande à 10 ans et de 28 % pour celle de la Grèce. La crise qui s'était longtemps limitée aux pays dits périphériques contamine aujourd'hui l'Europe du noyau dur, celle des pères fondateurs, à commencer par l'Italie que l'on range à nouveau parmi les « pays du club Med », le terme méprisant qu'utilisaient les Allemands avant la sélection des pays de la première vague de la monnaie unique. La France n'est pas épargnée : même si elle emprunte encore à des conditions historiquement avantageuses, l'écart de taux entre les emprunts d'État français et allemands à 10 ans a atteint hier un record de 190 points de base. Isabelle Croizard
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