Comment les géants américains évitent le fisc en toute légalité

L'évasion fiscale par les fusions-acquisitions est une nouvelle tendance pour les géants américains qui viennent implanter leur siège dans des havres fiscaux européens. Ce qui suscite une levée de bouclier à Washington. Explications.
La tentative avortée de Pfizer de racheter AstraZenecca illustre bien le mécanisme de "corporate inversion" qui permet aux multinationales américaines de se soustraire à l'impôt en toute légalité. (Photo : Reuters)

"C'est un détournement du système fiscal", a dénoncé mercredi le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, appelant les entreprises américaines à "un nouveau patriotisme économique". La tentative ratée de Pfizer de racheter le laboratoire pharmaceutique britannique AstraZeneca pour des raisons fiscales en mai a provoqué une vive réaction aux États-Unis. Dans le viseur, le mécanisme de "corporate inversion", qui permet aux entreprises américaines d'échapper à l'impôt de manière légale.

Racheter les concurrents à bon compte

Concrètement, selon le droit américain, une entreprise qui rachète une rivale à l'étranger peut y installer son siège social et fiscal tout en conservant ses activités et ses structures de direction aux États-Unis.

"C'est la technique la plus simple et flagrante d'évitement fiscal", a assuré à l'AFP Franck Clemente, auteur d'un récent rapport intitulé "Offshoring America's Drugstore" sur la question pour l'organisation Americans for tax fairness.

C'est aussi ce qui permet aux entreprises américaines de racheter ses concurrents européens, notamment. D'autant plus qu'outre-Atlantique, l'ensemble des bénéfices réalisés dans le monde est soumis à l'impôt, mais rien n'empêche les sociétés de stocker ces bénéfices à l'étranger, hors de portée du fisc américain. Résultat, les entreprises américaines disposent de liquidités importantes "offshore", en dehors des États-Unis, estimées à 2.000 milliards de dollars et logées notamment dans les paradis fiscaux, qui leur permettent de faire leurs achats à l'étranger tout en évitant de payer l'impôt sur les bénéfices.

Le mécanisme de "corporate inversion" (en anglais) détaillé par le Wall Street Journal :

Des fuites de capitaux difficiles à évaluer

Le rachat d'AstraZeneca par Pfizer a échoué. Abbvie, un autre géant du secteur, a lui aussi raté son opération. Mais les entreprises américaines sont nombreuses à s'engouffrer dans la brèche. C'est le cas notamment d'un autre poids lourd de la pharmacie, Medtronic, ou du géant agroalimentaire Chiquita Brands, qui s'apprêtent à se domicilier fiscalement en Irlande, où la taxe sur les bénéfices n'est que de 12,5%, contre 35% aux États-Unis.

Le laboratoire pharmaceutique américain Mylan a, lui, totalement franchi le pas en annonçant lundi le rachat d'activités à l'étranger de son compatriote Abbott et sa réorganisation en holding basée aux Pays-Bas.

Estimer le manque à gagner pour le fisc américain est cependant très compliqué. Un rapport non partisan du Congrès cité par le Wall Street Journal évoque une perte de près de 20 milliards de dollars (environ 15 milliards d'euros), rien qu'avec le procédé de "corporate inversion". Ce rapport ne prend toutefois pas en compte les opérations en cours menées par Mylan et Abott.

Washington peine à trouver la parade

"Il faut arrêter l'hémorragie", s'est quoiqu'il en soit alarmé le sénateur démocrate du Michigan Carl Levin, auteur, avec treize autres, d'une proposition de loi déposée fin mai pour stopper le phénomène. Et de menacer : "toute entreprise qui cherche à 'inverser' son siège social à partir de maintenant prend le risque qu'une loi soit adoptée pour les empêcher d'en tirer bénéfice".

Selon ce texte, une entreprise née d'une fusion-acquisition ne pourra relever du droit fiscal étranger qu'à la condition que 50% de son capital soit détenu par de nouveaux actionnaires contre un seuil de 20% au regard de la réglementation actuelle. Les entreprises ne pourraient par ailleurs plus s'exiler fiscalement à l'étranger si "leur direction et leur structures de contrôle" restent aux États-Unis. Carl Levin souhaite que cette loi soit adoptée au plus vite, car la situation ne permet pas d'attendre une réforme en profondeur du code des impôts.

Mais la paralysie du Congrès américain en cette année d'élections législatives de mi-mandat rend hautement hypothétique tout accord avec l'opposition républicaine sur cette question. Quant aux milieux d'affaires, ils ont tout intérêt à maintenir le statu quo. Pourtant, "tant que le Congrès n'aura pas comblé cette faille, les entreprises continueront à l'utiliser", a assuré Franck Clemente, cité par l'AFP.

Commentaires 6
à écrit le 21/07/2014 à 10:46
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C'est pareil chez nous. Regardez le nombre de sièges transférés aux Pays bas. même des entreprises dans lequel l'etât est un gros actionnaire...

à écrit le 18/07/2014 à 8:56
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Il est où le problème ? je ferais exactement la même chose, les impôts servent à engraisser les politiques qui sont voraces et s'enrichissent sur le peuple et s'offrent le luxe, cela ne va pas, pour le particulier c'est le marché noir c'est du gagnan...

à écrit le 18/07/2014 à 8:28
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ah bon ? les américains ont trouvé la recette anti impôts ? , les japonais les grosses compagnies mondialisées savaient comment réinvestir leur cash avant l'échéance fiscale dans les années 80-90 , dans la pierre notamment .. hé hé .. tout bon .. don...

à écrit le 17/07/2014 à 20:29
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Comment il s' appelait déjà. .. si là. . A l'époque il se faisait traiter de communiste. .. arrggg .. ça y est ! Michael Moore. ..

à écrit le 17/07/2014 à 18:40
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les fusions acquisitions se font tous les jours en France depuis des décennies. il suffit d'intégrer un concurrent à la maison mère puis déduire le coût de cet achat des bénéfices de la maison mère. rien de nouveau pour ne pas payer d'impôts du tout...

à écrit le 17/07/2014 à 17:34
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On nous prépare un avenir radieux

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