Les Pays-Bas et leur très mystérieux triple A

Il est parfois des grands mystères que sur lesquels bute inexorablement la raison. La notation des Pays-Bas en est un. Ce pays dispose en effet de la meilleure note auprès des agences de notation : un triple A qui a été encore confirmé fin août par Fitch. Certes, toutes les agences ont mis en garde contre une possible dégradation, mais le gouvernement de La Haye dispose toujours pour le moment d\'une étonnante confiance auprès des investisseurs.Croissance en berneÉtonnante, car l\'économie néerlandaise est loin de se porter mieux que celle de la France qui, non sans raison, a désormais perdu la note suprême. Au deuxième trimestre, les Pays-Bas ne sont pas, à la différence de la France, sortis de la récession. Leur PIB a encore reculé de 0,2 %. Pour l\'année 2013, le recul devrait atteindre 1,25 %, alors que l\'Hexagone devrait connaître une croissance nulle. Surtout, en 2014, la situation ne devrait pas être meilleure. Lundi, l\'office des statistiques CPB a revu pour la troisième fois à la baisse sa prévision de croissance à 0,5 %. La France espère 0,9 %.Situation budgétaire difficileSur le plan budgétaire, la situation n\'est guère plus riante. La commission a donné à La Haye un an de plus pour faire repasser son déficit budgétaire sous les 3 % du PIB, mais compte tenu de la faiblesse de la croissance, ce sera difficile. Le CPB estime que le niveau du déficit public atteindra encore 3,2 % en 2013 et 3,3 % en 2014. En France, le déficit est certes plus élevé, mais il prend un chemin inverse puisqu\'il est prévu à 4,1 % du PIB cette année et 3,7 % l\'an prochain.Même sur le plan du chômage, les Pays-Bas, qui, pendant des années ont été un modèle avec un des taux les plus faibles d\'Europe, commencent à souffrir. En un an, le taux de chômage néerlandais est passé de 5,3 % à 7 %. Là encore, la France fait pire, mais la progression du chômage est plus faible sur la même période (de 10,6 % à 11 %).Endettement des ménages recordÉconomie traditionnellement ouverte sur l\'extérieure, les Pays-Bas ne semblent que profiter très partiellement de la reprise mondiale. En réalité, leur économie est plombée par l\'austérité et la bulle immobilière. Si le gouvernement libéral-travailliste de Mark Rutte a pris des mesures pour stabiliser la situation sur le marché immobilier, les ménages ont vu leurs revenus reculer et, ce qui n\'est pas mieux, continuent à craindre une baisse de leurs revenus. On les comprend : la dette des ménages représente 250 % de leurs revenus, ce qui est le niveau le plus élevé de la zone euro. A titre de comparaison, ce niveau est de 83 % environ en France.6 milliards d\'euros de coupes budgétaires supplémentairesA cela s\'ajoute une politique très sévère de coupes budgétaires qui a encore amputé la demande intérieure. Pour 2014, ces coupes pourraient atteindre 6 milliards d\'euros, comme l\'a annoncé ce mardi le gouvernement. Ce qui menace les Pays-Bas, ce n\'est rien moins que cette course aux objectifs de déficits perdue d\'avance qui a plombé les économies des pays périphériques pendant trois ans.Les Travaillistes en grande difficultéReste le plus inquiétant : le système politique néerlandais est extrêmement fragile et instable si on le compare à celui de la France. Certes, la poussée du FN en France est inquiétante, mais le pays reste gouvernable. La question se pose pour le royaume néerlandais qui a connu deux élections législatives et trois coalitions différentes en trois ans. Aujourd\'hui, la confiance dans le gouvernement est à un niveau historiquement bas. Seuls 12 % des Néerlandais lui font confiance, selon une enquête récente de TNS.Un paysage politique en lambeauxCeci redessine intégralement le paysage politique du pays. La participation au gouvernement des Travaillistes du PvdA semble ainsi leur avoir fait perdre toute crédibilité dans l\'opinion. Les Sociaux-démocrates passeraient ainsi, si les élections avaient lieu dimanche de 30 à 11 sièges. Du jamais vu depuis la fondation du parti en 1946 !Parallèlement, les extrêmes ont le vent en poupe. Les populistes de droite du PVV de Geerts Wilders deviendraient le premier parti avec un tiers des sièges sur les 100 de la Tweede Kammer, la chambre basse du parlement. Quant aux néo-communistes du SP, ils glaneraient 24 sièges. Autrement dit, en cas d\'élections, les partis de gouvernement n\'auraient plus de majorité. Or les tensions sont vives au sein du gouvernement et, surtout, il n\'a pas de majorité au Sénat, la chambre haute du parlement qui, théoriquement, peut le faire chuter. Bref, la situation est des plus instables.Quelle valeur pour le triple A néerlandais ?Situation politique instable, dette publique et privée élevées, déficit au-delà des 3 %, croissance en panne… On aura du mal à penser que les Pays-Bas méritent plus leur triple A que la France. Quelle peut être alors la motivation des agences de notation ? Peut-être une forme de confiance irrationnelle dans la capacité « calviniste » des anciennes Provinces-Unies. Ou la défense affichée sur la scène européenne par Mark Rutte et son ministre des Finances (et président de l\'Eurogroupe) Jeroen Dijsselbloem de la discipline budgétaire. Ou encore un soutien implicite de ces agences à la politique d\'austérité, fût-elle dangereuse. Le mystère du triple A n\'en reste pas moins épais…
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