La nouvelle taxe Google toucherait-elle Google ?

Philippe Marini n’en démord pas. Il faut fiscaliser les quatre géants du Net - Google, Amazon, Facebook et Apple – qui échappent à tout impôt en France. Après un premier projet de loi en 2010, le sénateur UMP, passé dans l’opposition à la faveur de l’élection présidentielle, récidive. Il a déposé jeudi une proposition de loi amendée et censée corriger les défauts de la précédente.Silence radio chez Fleur PellerinQue pense le gouvernement de cette contribution censée « fournir la base d’une fiscalité numérique nouvelle » ? Bien que Philippe Marini a déclaré avoir « une identité de vue quasi-totale » avec Fleur Pellerin, c’était le silence radio jeudi au cabinet de la Ministre en charge du numérique et des PME.Taxer TF1, Lagardère, Orange et Amaury MediaPremier volet du texte : taxer la publicité en ligne, et cibler Google. Cette fois, le texte ne s’attaque pas aux annonceurs mais propose de prélever les régies publicitaires en ligne, les moteurs de recherche, les comparateurs de prix, les services de marketing divers et variés (envois de mails, de promotions…). L’idée : éviter la délocalisation des revenus, ce que les annonceurs, qui ont souvent des filiales à l’étranger, menaçaient de le faire. Autre nouveauté : l’instauration d’un premier seuil de 20 millions d’euros, pour préserver les petites régies, et une taxe à un taux réduit de 0,5%. Les grandes régies françaises, comme Orange, Lagardère, TF1, ou Amaury Media, seraient concernées par ce taux réduit. Un deuxième seuil de 250 millions d’euros, où le taux passerait à 1% des recettes publicitaires, serait instauré. Visiblement taillé pour Google, il toucherait aussi PagesJaunes, dont le chiffre d’affaires Internet a atteint 490 millions d’euros l’an passé.Google libre de ses déclarationsToujours au cœur des interrogations : ce nouveau dispositif toucherait-il Google ? Avant de pouvoir le taxer, encore faut-il qu’il déclare ses activités en France. Ce qu’il ne fait pas, puisqu’il est – légalement – installé en Irlande. Pour l’y obliger, le projet de loi de Philippe Marini suggère la mise en place d’un représentant fiscal sur le sol français, à l’image de ce qui a été fait dans les jeux en ligne. Mais les rédacteurs du texte admettent que le système n’est pas transposable, car en désaccord avec les règles européennes (les jeux de hasard, en tant que secteur particulier, y réchappant). Du coup, Philippe Marini veut soumettre les géants du Net à une obligation de déclaration de leur activité, en adaptant un dispositif législatif existant qui contraint les fournisseurs de services électroniques situés hors de l\'Union européenne de faire des déclarations de TVA. Si le dispositif serait \"euro-compatible\", il a comme principal inconvénient de reposer sur l’honneur, sans réel moyen de vérification.Reste aussi à savoir sur qui – des régies, des médias ou des annonceurs – retomberait la taxe. « Tout le monde va se la passer, et à la fin, elle touchera les acteurs les plus fragiles. La France, où les dépenses de publicité en ligne ne pèsent que 20% des dépenses totales, est déjà en retard, par rapport au Royaume-Uni, où la part est de 40%. Il faut porter le débat au niveau européen et ne pas handicaper un écosystème encore fragile et les revenus faibles. Les 28 régies se partagent 650 millions d’euros sur le « display » [la publicité graphique sur Internet, ndlr] », se désole Marie Delamarche, secrétaire générale du Syndicat des régies Internet (SRI).La boite de PandoreSi la proposition de Philippe Marini reste raisonnable au regard des sommes qui seraient prélevées (moins de 20 millions d’euros selon lui), c’est le principe même d’une taxe qui fait peur. De fait, les acteurs craignent qu’un tel dispositif, une fois instauré, n’ouvre la porte à une taxation généralisée et dont les taux et les seuils puissent être modifiés au gré des besoins des finances publiques, façon CSG dont le taux n’a cessé de croître depuis son instauration en 1990. Sans compter que l’objectif initial - l’équité fiscale - ne serait pas atteint, le prélèvement touchant aussi des acteurs français qui s’acquittent de leurs impôts.Taxer tous les sites marchandsDeuxième pan du texte : le commerce en ligne. Sur ce terrain, Philippe Marini a décidé de ratisser large. S’inspirant des dispositifs qui existent sur les surfaces commerciales, le sénateur veut imposer un système de taxe des « vendeurs professionnels ». Ainsi, une taxe de 0,25% pourrait rapporter 100 millions d’euros en 2013 et 175 millions d’euros, indique le texte. Mais ces prévisions incluent tous les vendeurs. Là aussi, pour éviter de pénaliser les plus petits, un seuil de 460.000 euros de chiffre d’affaires est prévu. « Cela va toucher tous les sites marchands, qu’ils s’agissent des pure players, comme Pixmania ou des sites de magasins, qui paient déjà des taxes, comme Darty », s’insurge le président de la Fevad, François Momboisse.  
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