L'analyse d'Erik Izraelewicz : PDG, modes et travaux

Un seul pilote aux commandes ! C'est le nouveau mot d'ordre dans les conseils d'administration des sociétés du Cac 40 ? et au delà. Total, Vinci, Axa, Saint Gobain, Société Généralecute; Générale, voire Auchan : ces quelques poids lourds de la cote parisienne, voire ces sociétés non cotées comme le géant de la distribution, ont profité, cette année, de leurs AG respectives pour abandonner la direction bicéphale dont ils s'étaient dotés. Pour fusionner les jobs de président et de directeur général en un seul poste, celui de PDG. Le virage est spectaculaire Il démontre qu'en matière de management - la gouvernance en étant l'une des formes- les modes aussi sont éphémères. Séparer la stratégie et l'opérationnel Rappelez-vous. Dans les années 2000, on ne jurait plus que par une dissociation, à l'américaine, entre les fonctions de président et de directeur général. Le « PDG » n'avait pas la cote. Il avait tous les pouvoirs, trop de pouvoirs ! Pas un séminaire sur la gouvernance d'entreprise où l'on ne nous expliquait qu'il fallait à tout prix lutter contre les monarchies absolues à la tête des entreprises. Il fallait créer des contre-pouvoirs à tous les niveaux, bien distinguer aussi la définition de la stratégie et sa mise en oeuvre. La première relevait du Président (ou du président du conseil de surveillance), la seconde du directeur général (ou du président du directoire). Cette dissociation était justifiée, notamment, par la complexité croissante des affaires, par la nécessité aussi d'avoir en permanence une choc, salutaire, des idées au sommet de l'entreprise. C'était une bonne idée : la preuve, c'était une idée américaine, les Etats-Unis étant le seul pays où presque où cette dissociation entre le chairman (non exécutif) et le CEO (exécutif) est largement pratiquée. Être réactifs et très rapidesAujourd'hui, après avoir été, pendant des années, « chapeautés » par un président non exécutif, Christophe de Margerie (Total), Xavier Huillard (Vinci), Henri de Castries (Axa) ou Pierre-André de Chalendar (Saint Gobain) sont devenus PDG ? seul maîtres à bord de leurs embarcations donc. Les « sages » qui présidaient leurs conseils de surveillance ont disparu. Alors, les écoles de management révisent, à vitesse grand V, leur bréviaire. On explique désormais, dans les séminaires, que dans un monde mouvant comme l'est devenu le nôtre, il faut, à la tête des entreprises, une capacité de décision extrêmement rapide, une grande réactivité, qu'il est nécessaire de simplifier et d'unifier la gouvernance des entreprises. Un pilote, un copilote, c'est trop désormais. Un pilote suffit ! Il y a bien, néanmoins, quelques exceptions. Exemple : Sanofi-Aventis. Dans cette industrie, la pharmacie, où les choses bougent très rapidement, les administrateurs du groupe n'ont visiblement pas été convaincus par ces arguments : le directeur général, Chris Viehbacher reste soutenu, sinon sous la tutelle, d'un nouveau président, Serge Weinberg. Le Crédit Agricolegricole n'a pas renoncé, non plus, à l'occasion du départ de René Carron, à sa gouvernance complexe. Organiser la préretraite de PDG accros En matière de gouvernance, c'est finalement affaire d'opportunités plus que de principes. Les théories développées par les professeurs de management ne sont en réalité bien souvent qu'un habillage de pratiques imposées par la réalité des hommes. Les directions bicéphales ont ainsi souvent permis, dans les années 2000, l'organisation de départ progressif en retraite pour PDG accros (Desmarest chez Total, Dehecq chez Sanofi, Beffa chez Saint Gobain, etc...). Elles ont souvent été l'occasion aussi pour les dauphins d'asseoir leur autorité. Le paradoxe, c'est que si désormais le PDG, redevenu « mode », n'a plus de tutelle au-dessus de lui, les administrateurs ont tendance à lui coller, à ses côtés, un grand frère référent chargé de l'aider, de le conseiller, de le surveiller dans son job. Sa fonction comme son titre ne sont pas toujours bien précisés. Chez Axa, Henri de Castries, devenu PDG, n'a plus de supérieur ; il a néanmoins désormais un vice-président du conseil d d'administration à ses côtés ? en l'occurrence Norbert Dentressangle. Chez Vinci, Xavier Huillard n'a plus de président au dessus de lui ; son ex-président, Yves-Thibault de Silguy est devenu « vice-président administrateur référent ». Pas simple ! Le sentiment quand même qu'au sommet, l'extrême solitude mérite encore et toujours d'être encadrée.Savoir habiller l'opportunismeEn fait, en matière de management, il n'y a finalement pas de véritable loi. Hier, on dénonçait les risques d'un pouvoir trop concentré à la tête des grandes entreprises. Aujourd'hui, on s'inquiète d'une trop grande dispersion ! Les conglomérats ont eu leur temps, les « pure players » aussi... on revient, déjà, aujourd'hui, aux conglomérats. L'entreprise devait devenir virtuelle ; on s'aperçoit qu'il est sain qu'elle reste quand même un peu réelle. Les travaux sur le management sont finalement aussi une affaire de mode.
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