Quand l'euro mobilise le monde

Trois ans après l'entrée dans la crise mondiale la plus grave depuis les années 1930, la balance des risques a basculé de l'autre côté de l'Atlantique. Partie des États-Unis en 2007, avec l'éclatement de la crise des subprimes, aggravée par la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 et la contamination du cancer financier à l'économie réelle, la planète commençait à peine à cicatriser lorsque la crise a rebondi en faisant monter l'Europe en première ligne. Après avoir redouté l'effondrement du dollar, dans un contexte de contestation grandissante sur son rôle de monnaie de référence de la part des grands pays émergents, voilà que c'est l'euro qui joue les fauteurs de troubles, par crise de la dette grecque interposée. Contre-offensive sur fond de rumeursD'abord sceptiques sur les risques de contamination aux pays les plus fragiles de la zone euro, la planète financière a commencé à douter de la capacité de survie de la jeune monnaie européenne, tout juste âgée de onze ans. Au point que les inquiétudes larvées se sont transformées en cette fin de semaine en branle-bas de combat planétaire. Alors que l'euro était tombé à un plancher de quatre ans face au dollar mercredi, à 1,2145 et à un point bas historique vis-à-vis du franc suisse, à 1,3995 le même jour, s'enfonçant le lendemain à son plus bas niveau depuis neuf ans par rapport au yen, à 109,45, la parade a commencé à s'organiser, sur fond de rumeurs, (bien sûr non confirmées) d'interventions tous azimuts sur le marché des changes. Elles auraient mêlé Banque nationale suisse (et là, c'est une certitude, puisqu'elle entre dans le marché dès que son franc se renforce depuis plus d'un an), Banque Populaire de Chine, Banque du Japon, voire même Banque centrale européenne... Compétitivité des partenaires menacéeUne seule chose est sûre : les responsables des grands pays partenaires de la zone euro commencent à donner de la voix, face aux risques que fait peser sur leur compétitivité la fonte de l'euro et la menace de double plongeon dans la récession du Vieux Continent induite par la mise en place de plans d'austérité drastiques dans un nombre grandissant de pays. Le secrétaire américain au Trésor, Tim Geithner, se rendra en Allemagne et en Grande-Bretagne la semaine prochaine pour discuter des mesures nécessaires au rétablissement de la confiance et de la stabilité financière. Les Japonais se déclarent vigilants face à la crise de la zone euro, prêts à intervenir pour empêcher leur yen de monter en flèche. Les Chinois de leur côté se sont émus de l'affaiblissement de l'euro, laissant entendre que cela pourrait retarder leur marche vers une plus grande flexibilité du yuan. L'Europe elle-même a donné un signal encourageant. À l'issue de la réunion de ses ministres des Finances vendredi, le président du conseil, Herman Van Rompuy, a souligné la «forte volonté politique de renforcer les règles du pacte budgétaire et de stabilité».Quand les vendeurs commencent à douterRésultat : face à cette mobilisation, l'euro a spectaculairement rebondi vendredi. Il est notamment venu frôler le seuil de 1,27 dollar, avant de reperdre un peu de terrain, tout en se maintenant à très bonne distance de ses points bas récents. Les vendeurs commencent à s'interroger sur le bien-fondé de leur pessimisme tandis que les stratèges doutent de la validité de leurs pronostics, dont certains tablaient sur une rechute de l'euro à parité avec le dollar, pour la première fois depuis fin 2002. La BCE elle-même a indiqué vendredi par la voix du président de la banque centrale d'Autriche, Ewald Nowotny, que le cours de l'euro ne suscitait « aucune inquiétude », même si l'actuelle volatilité du marché des changes la préoccupe. Nul, en tout cas, ne niera, que la récente baisse de l'euro, qui ne fait que corriger une sur évaluation manifeste, est une bénédiction pour la zone euro. Et la meilleure échappatoire, peut-être, à une nouvelle récession.
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