Baroin  : le faux dilettante de Bercy

Une réputation, surtout en politique, cela colle à la peau. François Baroin s'énerve de se voir qualifié de dilettante et de séducteur alors que sa nouvelle tâche de ministre du Budget et des Comptes publics aurait de quoi rebuter les plus austères?: faire face à un déficit budgétaire de 150?milliards d'euros et à 30?milliards de trou dans les comptes sociaux en fin d'année. «?Les budgets, j'en ai vu passer depuis dix-sept ans à l'Assemblée. Alors qu'on ne me dise pas que je n'y connais rien?», lâche-t-il un tantinet excédé. En 2004, Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait déjà pensé à lui pour Bercy avant que Jacques Chirac lui demande de s'investir dans l'UMP.Ses premiers pas de ministre du Budget ont d'ailleurs démontré un savoir-faire certain. Quelques jours à peine après son arrivée, sa connaissance des astuces parlementaires a permis à la majorité d'éviter un camouflet lors du vote en seconde lecture du texte sur les jeux d'argent en ligne, les députés PS ayant investi en nombre l'hémicycle pour profiter de l'absentéisme à droite. Le lendemain, en Conseil des ministres, il annonçait fièrement avoir identifié 500?millions d'euros d'économies potentielles sur les frais généraux de l'État, reprenant à son compte le travail de son prédécesseur.Faut-il vraiment s'étonner des dons de François Baroin pour la politique?? Son père, Michel Baroin, sous-préfet avant de devenir patron de la Fnac et de la GMF et grand maître du Grand Orient de France, a toujours eu un pied en politique et n'a jamais caché sa proximité avec Jacques Chirac. À la mort du père, en 1987 dans un accident d'avion en Afrique, le fils est pris sous l'aile protectrice du futur président de la République. Ce dernier en 1989 le recommande à Edgar Faure pour venir l'épauler dans la préparation du bicentenaire de la Révolution française.C'est encore Chirac qui le pousse à se lancer en politique, d'abord, à 24 ans, comme conseiller municipal de Nogent-sur-Seine, ville jadis administrée par son père, puis à briguer un siège de député au nom du RPR. Victorieux en 1993, il sera même le benjamin de l'Assemblée. En 1995, après l'élection de Chirac à l'Élysée, François Baroin qui fut son porte-parole durant la campagne devient, à 29 ans, le plus jeune ministre de la Ve?République dans le gouvernement Juppé. Seul un certain François Mitterrand avait fait mieux en devenant ministre à 27 ans. En 2007, lorsque Chirac cherche un remplaçant à Nicolas Sarkozy démissionnaire du ministère de l'Intérieur pour se lancer à l'assaut de l'Élysée, c'est Baroin qui s'y colle. À la même période, l'idée de sa candidature pour contrer Sarkozy germe dans la tête de quelques proches du président sortant.Le «?bébé Chirac?» ne reniera jamais cette filiation qui dépasse la simple connivence politique. Fin mars, juste après sa nomination à Bercy, l'une de ses premières visites a d'ailleurs été pour Chirac dans ses bureaux de la rue de Lille. «?J'ai été fidèle à Chirac. Maintenant qu'il est parti, je ne dois plus rien à personne?», confie Baroin. Une façon de dire qu'il ne se sent pas d'atomes crochus avec Dominique de Villepin, pourtant lui aussi fidèle de l'ancien président.Ce chiraquisme n'a jamais échappé à Nicolas Sarkozy. Ce qui n'a pas empêché le président quelques jours avant les régionales de demander à Baroin de passer le voir à l'Élysée pour un «?tour d'horizon?». Les deux hommes se connaissent pour avoir travaillé ensemble au RPR puis à l'UMP. «?Lorsque Nicolas Sarkozy a pris la direction de l'UMP en 2004, j'ai été son conseiller politique avec François Fillon?», rappelle d'ailleurs le nouveau ministre du Budget. Cette collaboration n'avait visiblement pas marqué le président?: «?Deux mois au ministère de l'Intérieur, cinq ans à l'extérieur?», aurait lancé celui-ci pour justifier la quarantaine politique qu'il a fait subir à Baroin après son accession à l'Élysée.Mais la débâcle électorale de l'UMP a rebattu les cartes. Au nom du rassemblement de la droite, Baroin est redevenu fréquentable. «?Nicolas Sarkozy aime travailler avec des gens qu'il connaît?», affirme l'ancien député de l'Aube pour tenter d'expliquer ce curieux rapprochement. Peu importe qu'il ait pris position contre le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, le débat sur l'identité nationale, «?gros comme un hippopotame dans une mare desséchée?», dixit Baroin, ou encore la désignation du président de France Télévisions par le chef de l'État, «?une erreur politique et un recul de vingt-cinq ans?».En bon politique, François Baroin sait s'adapter aux circonstances. Simple parlementaire, il aurait sans doute tapé sur le bouclier fiscal comme n'ont pas hésité à le faire d'autres élus UMP. À peine devenu ministre du Budget, il a défendu ce symbole sarkozyste au nom de la stabilité fiscale et pour inciter les exilés fiscaux à rentrer.En acceptant de devenir ministre, Baroin savait qu'il devrait mettre une dose de sarkozysme dans son chiraquisme. À Bercy, ses pas sont d'ailleurs surveillés. L'Élysée lui a gentiment «?conseillé?» un directeur de cabinet, Didier Banquy, qui fut l'un des collaborateurs de l'actuel président lorsqu'il était lui-même à Bercy...En nommant Baroin, Nicolas Sarkozy connaissait également ses relations étroites avec Jean-François Copé. Les deux hommes sont de la même génération, possèdent la même filiation chiraquienne et ont été mis sur la touche en 2007. Le patron des députés UMP ayant opéré un rapprochement stratégique avec Sarkozy depuis quelques semaines, la nomination de Baroin a aussi permis de consolider cette alliance jusque-là improbable. «?C'est tout à fait possible d'être à la fois chiraquien, ministre du Budget de Nicolas Sarkozy et participer à une réunion de Génération France avec Copé. Ce qui nous réunit, c'est la volonté de ne pas voir la gauche revenir au pouvoir?», lançait l'autre soir Baroin devant les adhérents du club politique du maire de Meaux.Avant son retour au gouvernement, la cote d'avenir de François Baroin mesurée par TNS-Sofres ne dépassait pas 18?%. On saura bientôt qui de Sarkozy ou de Baroin a fait la meilleure affaire. Patrick Coquidé
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