Antoine Zacharias va garder ses millions

Antoine Zacharias n'en a pas fini avec la justice. L'ancien patron de Vinci, qui était poursuivi pour abus de biens sociaux et contre qui le ministère public avait requis deux ans de prison et 375.000 euros d'amende, a certes été relaxé vendredi soir par le tribunal correctionnel de Nanterre, qui a rendu son jugement quatre heures seulement après la fin des plaidoiries. Mais le parquet a annoncé aussitôt sa décision de faire appel.Le tribunal correctionnel, que présidait Isabelle Prévost-Desprez, a jugé que l'incrimination d'abus de biens sociaux n'est pas constituée et fait valoir qu'il n'est pas "juge de la gouvernance des entreprises". Cette décision risque de susciter la polémique, tant l'affaire Zacharias a symbolisé les excès du capitalisme français. Peut-être l'inimitié entre Isabelle Prévost-Desprez et le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, qui avait diligenté l'enquête préliminaire, a-t-elle expliqué ce jugement pour le moins hâtif.Dans la matinée, le parquet avait estimé que "ce dossier était emblématique du dévoiement du processus de décision au sein d'une société cotée", selon les termes de la procureure Marie-Aimée Gaspari. Absence de contre-pouvoirLes deux jours d'audience ont de fait démontré l'absence de contre-pouvoir face à un Antoine Zacharias, qui était "arc-bouté sur le principe de l'entière variabilité de sa rémunération et voulait être assimilé à un entrepreneur propriétaire de sa boîte" - selon les déclarations d'Alain Dinin, pdg de Nexity et à l'époque administrateur de Vinci, faites au cours de l'enquête et citées à l'audience. "Antoine Zacharias a commis un délit d'abus de bien social assis sur un abus de pouvoir", a martelé la procureure Marie-Aimée Gaspari. "Il était le chef de projet de sa propre rémunération. Il avait tout mis en place, tout était prévu: la date d'échéance et la date de départ". Il avait aussi choisi un président du comité des rémunérations, le Britannique Quentin Davies, acquis à sa cause. "Au nom de la réussite, tout ne se justifie pas. Vinci, ce n'était pas son entreprise", a-t-elle aussi souligné. Administrateurs dans le flouMais, contre toute attente, la procureure a aussi disculpé les administrateurs, Antoine Zacharias étant, selon elle, "totalement maître de son conseil d'administration". Au vu de la lecture des procès-verbaux des conseils d'administrations et notamment de celui du 7 septembre 2004, qui a accordé à Antoine Zacharias l'entière variabilité de sa rémunération, "l'information du conseil d'administration n'a pas été précise et neutre", a-t-elle martelé. "Les administrateurs n'ont pas été en mesure de statuer de manière éclairée car ils ne connaissaient pas l'intégralité de l'enveloppe [qu'allait obtenir Antoine Zacharias, Ndlr]", a-t-elle précisé. Ainsi, les avantages liés à la dissociation en janvier 2006 des fonctions de président dévolues à Antoine Zacharias et de directeur général à Xavier Huillard, remontaient à des décisions de mars 1999 ou de juillet 2000. De même, ils n'avaient pas, selon elle, conscience que la conséquence de la liquidation de ses droits à la retraite allait obliger Vinci à "prévoir une rallonge de 18,5 millions d'euros" et la constitution d'un capital total de 40 millions d'euros. "Le processus de décision a été dévoyé parce que les montants en jeu étaient importants", a-t-elle encore ajouté. Les AG, chambres d'enregistrementMaître Hervé Témime, avocat d'Antoine Zacharias, qui a demandé et donc obtenu la relaxe, a évidemment contesté cet argumentaire et mis en exergue les faiblesses de l'accusation. Citant les rapports annuels de Vinci, qui dévoilaient une partie des rémunérations d'Antoine Zacharias, il a vitupéré contre ces administrateurs Alain Minc, Serge Michel, et Patrick Faure, qui prétendent avoir été évincés du comité des rémunérations, et qui, finalement, ont voté sans ciller le 7 septembre 2004 la nouvelle formule de rémunération du pdg, qui a autorisé l'explosion de son salaire. L'avocat a aussi fait valoir que ni Vinci, ni ses actionnaires et les traditionnelles associations de défense des petits porteurs, (excepté les deux petits actionnaires représentés par Me Frederik-Karel Canoy), ni les syndicats ne poursuivaient l'ancien patron. Les assemblées générales d'actionnaires "qui n'ont jamais posé de question sur cette rémunération" n'ont été, elles aussi, que des chambres d'enregistrement. "L'Autorité des marchés financiers n'a rien transmis sur cette affaire à aucun parquet que ce soit, et les commissaires aux comptes n'ont jamais émis la moindre réserve" sur les conditions de rémunération d'Antoine Zacharias, a encore relevé Me Témime.Porte ouverte aux abus"La relaxe est insupportable", estime Me Frédéric-Karel Canoy, qui défend deux actionnaires s'estimant lésés dans cette affaire. "Le tribunal avait l'occasion d'arrêter les dérives. On va dans la démesure en termes de rémunérations des dirigeants. Or, s'il n'y a pas de traitement judiciaire de ce type d'affaires, c'est la porte ouverte à beaucoup d'abus", note-t-il. "Les assemblées générales d'actionnaires sont des mascarades, les administrateurs ne sont là que pour toucher leurs jetons de présence, et les présidents, omnipotents, ne vont d'évidence pas nommer à leurs conseils des personnes qui s'opposent à eux", martèle-t-il. La messe n'est pas dite. Il y a fort à parier que l'affaire Zacharias ira jusqu'en cassation.
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