L'accord de Bruxelles va t-il sauver l'euro de la crise ?

Jusqu'à la dernière minute, l'accord sur une aide à la Grèce, entériné jeudi par les pays membes de la zone euro, aura fait l'objet de tractations. Mais après plusieurs semaines de divisions qui ont mis la cohésion de la zone, un tel accord a de quoi éviter de rester dans une situation qui commençait à faire douter sérieusement de la monnaie unique. "La plupart des hommes politiques européens ont envie d'aider la Grèce pour étouffer dans l'oeuf une crise plus large, et pour continuer à construire l'Europe", estime Maurice de Boisséson, chez Octo Finances.Dissuader la spéculationL'objectif premier de ce mécanisme est en effet de dissuader les marchés financiers de spéculer contre un pays en difficulté en lui imposant des taux d'emprunt élevés. Il prévoit en cas d'"ultima ratio", autrement dit de quasi défaut d'un pays mais ce point reste peu clair, l'accord de prêts bilatéraux des pays de la zone euro à hauteur de deux tiers et d'un tiers pour le Fonds monétaire international (FMI). Sur ce point, Jean-Claude Trichet, le patron de la Banque centrale européenne (BCE) et Nicolas Sarkozy, le président français, qui y voient là une perte de crédibilité préjudiciable pour l'euro, ont dû céder aux Allemands. Plus concrètement, la décision d'aide du pays concerné devra être prise à l'unanimité, sur une base volontaire, et à hauteur de sa participation à la BCE. "On comprend que les Allemands aient insisté pour que les aides à la Grèce soient bilatérales et volontaires. Malgré les promesses, il est probable que peu de gens viendront aider les Grecs", pronostique Maurice de Boisséson.Zones d'ombresSi les marchés financiers ont accueilli favorablement l'accord (lire ci-dessous), les zones d'ombre qui entourent les modalités d'application du plan demeurent (lire l'entretien ci-dessous), notamment sur le montant de l'aide qu'il faudrait débloquer le cas échéant, et si cela sera suffisant. Le président de l'institut Ifo de Munich, Hans Werner Sinn, a jugé qu'il ne donnera à la Grèce qu'une bouffée d'oxygène « pour quelques mois ». De son côté, le Portugal, qui pourrait être le prochain maillon faible, a demandé à ce qu'on réfléchisse à la création d'un fonds permettant de régler à l'avenir ce genre de problème entre membres de la zone euro. Une proposition désagréable pour des oreilles allemandes, car outre-Rhin on espère que l'accord de ce jeudi restera une « exception » (lire ci-dessous).ConcessionsEn outre, la mise au point du mécanisme est, comme l'a indiqué Nicolas Sarkozy dans sa conférence de presse, le résultat d'«un compromis ». Un compromis rendu nécessaire par la ligne dure adoptée par Angela Merkel, fêtée outre-Rhin comme la « chancelière de fer », et qui, mardi encore, avait affirmé devant les députés de son parti, la CDU, que « la situation n'avait pas changé depuis le dernier sommet du 11 février et qu'il n'y aurait donc aucune décision à Bruxelles sur la Grèce ». Durant les deux jours suivants, la menace d'un « nein » allemand à tout plan d'urgence continuait de planer sur les discussions. Quelques heures avant l'accord, devant les députés du Bundestag, Angela Merkel martelait que « le peuple allemand a placé dans l'euro la confiance qu'il avait dans le deutsche Mark. Le gouvernement fédéral ne peut trahir cette confiance à aucun prix ». Le FMI, concession majeureIl a donc fallu avoir recours à des tractations jusqu'à ce que Paris, Rome, la Commission et la BCE acceptent « l'inacceptable » : la participation du FMI. Une concession majeure qui a bien pu avoir été monnayée. Dès la sortie de la réunion, Nicolas Sarkozy a annoncé un projet de taxe carbone aux frontières européennes, après avoir annulé cette même taxe en France, qu'il avait tant défendue. Mercredi, il s'était montré plutôt offensif sur la défense de la Politique agricole commune (PAC), dont la France est la première bénéficiaire, menaçant d'aller jusqu'à une "crise européenne" s'il le fallait. En outre, en Allemagne, certains commençaient à se demander si la nomination du président de la Bundesbank, Axel Weber, à la tête de la BCE l'an prochain pour succéder à Jean-Claude Trichet allait encore être possible après cette « bataille de Grèce ». Angela Merkel a-t-elle sacrifiée sur l'autel de sa fermeté celui qui est aussi un de ses proches ? Rien n'est moins sûr, mais ce qui est certain, c'est que malgré sa faiblesse, cet accord sur la Grèce laissera sans doute des traces durables dans les relations intraeuropéennes.
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