Télévision connectée à Internet : tsunami ou menace fantôme ?

Il y a quelques années, les acteurs du paysage audiovisuel français (PAF) criaient au loup face à l'irruption des opérateurs télécoms. On sait aujourd'hui ce qui est advenu : Orange se retire piteusement du secteur, après avoir été battu à plate couture par Canal Plus. Aujourd'hui, le PAF se fait peur avec un nouvel ennemi : la télévision connectée à Internet, dont les programmes viendraient concurrencer les chaînes de télévision traditionnelles. Pour le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, c'est « un tsunami qui se prépare », et sur lequel le Conseil supérieur de l'audiovisuel organise un colloque ce jeudi. Mais, pour beaucoup d'experts, cette menace apparaît largement exagérée, pour ne pas dire fantôme.? Quel modèle économique ? Les constructeurs de téléviseurs et les géants de l'Internet ne dépenseront pas des fortunes hors de leur coeur de métier, pour acheter des contenus sans une perspective de rentabilité - c'est ce qui a finalement fait reculer Orange. Or aujourd'hui, la TV connectée ne propose que des services gratuits financés par la publicité... quand il y en a (Google TV n'en commercialise pas encore). Car les modèles de TV connectée ne permettent pas aujourd'hui de faire payer le spectateur. ? Quels contenus ? Aujourd'hui, les producteurs vendent leurs contenus aux chaînes de télévision, en général via des accords pluriannuels. En théorie, ils pourraient se mettre à les vendre directement sur Internet. Mais « cela fragmenterait le nombre d'acheteurs et diminuerait la visibilité financière. Surtout, il faudrait attirer ainsi plus de spectateurs qu'en passant par les chaînes de télévision, ce qui est une supposition risquée », estiment les analystes de la banque HSBC.Autre possibilité : les producteurs pourraient vendre leurs contenus aux acteurs Internet plutôt qu'aux chaînes de télévision. Mais pour cela, les géants du Net devront mettre sur la table plus d'argent que les chaînes. Ce scénario paraît exclu pour les contenus français (films, fictions et sport). En effet, les chaînes françaises co-produisent la majorité des films hexagonaux, et même la totalité des gros budgets, ainsi que toutes les fictions. Reste donc en théorie les films et séries américains. Mais pour HSBC, « l'intérêt des studios hollywoodiens n'est pas de court-circuiter les télévisions payantes traditionnelles, où le contenu est bien monétisé et fournit une plus grande prévisibilité financière ». ? Quelle réglementation ?Un service comme Netflix (des films illimités pour un forfait mensuel) aux États-Unis est impossible à lancer en respectant la chronologie des médias en vigueur dans l'Hexagone : il ne pourrait proposer que des films vieux de plus de trois ans. Or le public est surtout friand de films frais (80 % du marché de la vidéo-à-la-demande). Les acteurs Internet peuvent toujours s'affranchir de la réglementation française en s'installant à l'étranger. Des chaînes de télévision comme TCM, SyFy, National Geographic... (diffusées en France sur câble, satellite et ADSL) le font depuis l'origine. ? Quelle offre existante ? La TV connectée permet au spectateur d'accéder à Internet depuis son téléviseur. Mais ce n'est pas vraiment une nouveauté en France, où la télévision par ADSL est fortement développée. Résultat : les fournisseurs d'accès Internet proposent déjà depuis plusieurs années moult services vidéo sur le téléviseur. Ainsi, la vidéo-à-la-demande se vend à 96 % sur le téléviseur et seulement à 4 % sur PC, selon GfK-NPA. « Il y a encore un long chemin à parcourir avant que la TV connectée propose une offre aussi riche que celle des fournisseurs d'accès », conclut un responsable de chaîne.? Quels spectateurs ? Il ne suffit pas qu'un téléviseur connectable à Internet soit vendu, il faut ensuite que l'acheteur le connecte effectivement au réseau mondial. Or aujourd'hui, seuls 20 % à 30 % des acheteurs le font, selon Éric Cremer, vice-président de Dailymotion. Et il s'agit sans doute de technophiles, qui ont donc probablement déjà du « triple play », et donc de la TV sur ADSL.
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