Aéronautique : la Chine lance la guerre des normes avec les Européens

C\'est une nouvelle donne qui fait peur à tous les industriels européens de l\'aéronautique présents en Chine. Après son refus de payer la taxe carbone dans le transport aérien exigée par l\'Union européenne, Pékin a entamé un nouveau bras de fer avec l\'Europe dans l\'aéronautique. Début juin, la direction générale de l\'aviation civile chinoise, Civil aviation administration of China (CAAC), a modifié la loi concernant la certification des produits aéronautiques étrangers fabriqués en Chine. car Pékin exige désormais que les appareils assemblés sur son sol doivent être étiquetés \"Made in China \". Clairement, un avion certifié par CAAC devient un avion produit en Chine. Jusqu\'ici, c\'est l\'agence européenne de sécurité aérienne (AESA) et la direction de l\'aviation civile américaine, la puissante FAA (Federal Aviation Agency), qui sont responsables de la certification des avions, hélicoptères, moteurs et autres matériels aéronautiques des entreprises européennes ou américaines construits en Chine. Et les autorités chinoises ne faisaient qu\'approuver leurs décisions.Cette réglementation, qui laisse aux industriels trois ans pour se mettre en conformité, pose de sérieux problèmes aux constructeurs européens présents en Chine. Notamment Airbus, qui dispose depuis 2009 d\'une usine d\'assemblage à Tianjin, mais aussi l\'hélicoptériste italien AugustaWestland, lequel assemble environ 18 hélicoptères par an à Jiangxi dans le sud du pays, dont une partie est exportée (en amérique du nord et du sud), sans oublier Safran qui planche sur un site d\'assemblage de son nouveau moteur Leap, qui va équiper le nouvel avion chinois C919, prévu à l\'horizon 2016.Un A320 d\'AirAsia produit par Airbus ChinaLa nouvelle réglementation chinoise mettrait fin au système actuel d\'une certification européenne de leurs produits, qui leur permettait de garder la mainmise  en partie sur leurs technologies. Elle mettrait fin également à la possibilité d\'exporter un avion ou un hélicoptère assemblé en Chine en le présentant comme un avion sorti des usines européennes. Dans ce nouveau cadre, Airbus, si il le voulait, ne pourrait qu\'exporter sa production chinoise aux pays ayant signé un accord bilatéral avec la Chine dans le domaine de l\'aviation. Ce qui n\'est pas le cas de l\'Union européenne. Un avion \"made in China\" ne peut se poser sur le sol européen sans cet accord.Cette décision de l\'administration chinoise peut donc contrarier les plans d\'Airbus de vendre une partie de sa production chinoise aux compagnies aériennes du sud-est asiatique. Même si ce n\'est pas la vocation première de l\'usine de Tianjin, dont la production est censée alimenter que le marché chinois, l\'avionneur n\'a pourtant jamais exclu d\'exporter ses A320 fabriqués en Chine. Ce qui est déjà le cas. Un A320 de Tianjin sera livré à la low-cost malaisienne AirAsia (via un loueur). Airbus espère même que les compagnies aériennes, qui achèteraient un A320 sortant de la chaîne d\'assemblage de Tianjin, pourraient l\'utiliser comme argument pour avoir un accès facilité au marché chinois (ouverture de lignes...)Un impact industriel ?Première conséquence, les nouvelles lois vont contraindre Airbus et AugustaWestland à renégocier leurs contrats. Quant à Safran, si officiellement l\'équipmentier aéronautique affirme que la nouvelle loi ne compromet en rien ses projets, plusieurs experts assurent que la ligne d\'assemblage est encore en négociation. La certification du moteur est prévue pour 2013 et le premier vol pour 2014. Les industriels surplace ne cachent pas leurs inquiétudes. Car il y a deux niveaux de certification pour un appareil : design et production. L\'AESA avait jusqu\'ici la mainmise sur les deux certifications en Chine et CAAC s\'est octroyé celle sur la production.Aucun des industriels interrogés n\'a souhaité s\'exprimer publiquement et tous évoquent la crainte de voir Pékin exiger la certification du \"design\". D\'autant qu\'ils ne sont pas à l\'abri d\'un rafraîchissement des relations politiques entre la Chine et l\'Union européenne ou certains des pays membres de l\'UE. Ce qui rendrait alors les constructeurs européens vulnérables face à des transferts de technologies non souhaités. Dans ce contexte, certains projets industriels ont été suspendus dans l\'attente de voir l\'issue des négociations entre l\'AESA et le CAAC. \"Les nouvelles régulations soulèvent des problèmes diplomatiques, industriels et commerciaux. Plusieurs points doivent encore être clarifiés\" explique la représentante pour AESA en Chine, Sylvette Chollet. Pour l\'instant le CAAC ne semble pas prêt à faire machine arrière. La Chine n\'a jamais caché son ambition de devenir une puissance aéronautique afin de concurrencer, à terme, les Etats-Unis et l\'Europe.La Chine veut des transferts de technologies\"Nous avons de plus en plus de pression pour transférer notre technologie. Leur industrie ne se développe pas assez vite à leurs yeux, raconte un industriel du secteur. Certaines parties de cette loi sont atypiques et nous sommes inquiets que les autorités réclament une partie du design même si cela n\'est pas nécessaire. Le sujet a été abordé par le responsable de l\'Union européenne pour l\'aviation, Matthew Baldwin, lors de sa visite le mois dernier à Pékin. Il a reconnu que le dossier \"posait quelques problèmes pour l\'industrie européenne\". A l\'heure actuelle les autorités européennes et chinoises cherchent encore une solution qui permettrait aux constructeurs européens de fabriquer en Chine dans des conditions stables et sûres.Airbus, dont un dirigeant a avoué que la situation était \"bloquée\" espère faire jouer ses relations politiques pour sortir de l\'impasse. L\'avionneur semble déterminé à rester en Chine, en affirmant que sa présence sur le sol chinois lui a apporté d\'importantes parts de marché. Pour l\'instant le scénario le plus probable reste une négociation de chaque dossier au cas par cas avec une intervention politique en dernier recours si aucune solution n\'est trouvée. La Chine espère par ce texte non seulement promouvoir son industrie locale mais aussi pousser l\'Europe à signer un accord bilatéral sur l\'aéronautique. Souhaité par les industriels européens, ce texte permettrait de fixer définitivement un cadre légal sur leur production en Chine. Mais il permettrait aussi à la Chine de vendre en Europe sa future production aéronautique.
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