Vivendi coupable, Messier blanchi

C'est à n'y rien comprendre. Après deux semaines de délibérations, les jurés américains ont délivré vendredi soir un verdict surprise dans la « class action » (action en nom collectif) contre Vivendi. Le groupe français de communication a été déclaré coupable des cinquante-sept chefs d'accusation, mais ceux qui dirigeaient le groupe au moment des faits ont été relaxés. Le jury du tribunal du district sud de Manhattan a ainsi blanchi Jean-Marie Messier, l'ex-PDG, et Guillaume Hannezo, son directeur financier d'alors, dans cette affaire. Les plaignants de ce procès, démarré le 5 octobre à New York, accusaient Vivendi et ses ex-dirigeants d'avoir trompé les actionnaires entre octobre 2000 et août 2002, avec une communication financière qui aurait caché la réalité de la situation du groupe. Le Vivendi Universal d'alors avait mené une stratégie d'acquisition très agressive, source d'un endettement important et de tensions sur la trésorerie. Gagner l'appel Paul Saunders, l'avocat américain du groupe français a immédiatement déclaré être « déçu par le verdict, Mais nous allons faire appel et nous gagnerons ». L'avocat s'est même dit « satisfait que le jury ait pratiquement divisé par deux le montant des indemnités potentielles que réclamaient les plaignants ». Car le risque financier pour Vivendi prendra encore longtemps avant d'être fixé. Le verdict de vendredi va permettre maintenant de collecter toutes les demandes d'indemnisation de la part des actionnaires. Une procédure longue puisque Vivendi pourra les contester une à une avant qu'elles ne soient retenues. Ce n'est qu'à l'issue de ce travail, qui peut prendre douze à dix-huit mois, au cours duquel chaque indemnisation individuelle sera fixée, que le juge Holwell prononcerait le jugement et la condamnation de Vivendi. Selon les avocats de la défense, le jugement pourrait néanmoins être prononcé plus tôt. Dans tous les cas, ce n'est qu'après ce jugement que Vivendi pourra faire appel. La class action est donc partie pour durer sans doute jusqu'à 2012. C'est la raison invoquée par Vivendi pour justifier le fait qu'il n'a encore rien provisionné dans ses comptes. Selon les estimations données après le verdict par les avocats américains des plaignants, l'indemnisation potentielle maximum à payer par Vivendi, si tous les actionnaires se joignent à la procédure, serait de 9,3 milliards de dollars. Paul Saunders estime en revanche impossible à l'heure actuelle d'estimer ce chiffre. Pour le jury, le groupe a masqué les difficultés de trésorerie et est donc responsable de l'abyssale chute du cours de Bourse pendant la période couverte par la procédure. Des erreurs de jugement Au cours de longues semaines d'interrogatoires et de plaidoiries didactiques, les neuf jurés, peu rompus aux questions financières, ont appris à se familiariser avec Vivendi, les ambitions industrielles de Jean-Marie Messier et les méthodes comptables employées par Guillaume Hannezo au tournant du millénaire.« Jean-Marie Messier a fait aux jurés le même show qu'il faisait aux analystes », analyse un observateur du procès. « J2M » a admis des erreurs de jugement et expliqué que des facteurs exogènes, tel l'éclatement de la bulle Internet, avaient compromis sa stratégie prémonitoire visant à marier télécoms et médias. Mais il a nié toute fraude. Hervé Pisani, avocat français de Vivendi, a prévenu que le groupe ferait appel aussi« au sujet de la participation des plaignants français au procès new-yorkais ». Mais le groupe va d'abord « déposer un recours auprès du juge Holwell pour lui demander d'annuler le verdict du jury, ce qu'il peut faire s'il considère que les faits retenus sont insuffisants pour le justifier, et si le jury n'a pas correctement appliqué le droit », a ajouté l'avocat. Minimiser les indemnisations Aux États-Unis comme en France, Vivendi avait tenté en vain d'exclure les plaignants français de la procédure (qui représentent 60 % des actionnaires) afin de minimiser de potentielles indemnisations. « Le second circuit, soit la cour d'appel, ne tranchera que sur la conformité en droit du premier procès, mais ne rejugera pas les faits », explique Maxime Delespaul, avocat français des plaignants. « Certes, mais la cour d'appel peut revenir sur la qualification des faits, pour déterminer, par exemple, s'il y a eu fraude, et revoir l'évaluation des dommages, qui sont en général fortement réduits en appel », assure Hervé Pisani. « En outre, il s'agira cette fois de juges professionnels, et non plus d'un jury populaire », prévient l'avocat du groupe. Le marathon judiciaire n'est donc pas fini pour Vivendi et ses actionnaires et se poursuivra aussi de l'autre côté de l'Atlantique. Jean-Marie Messier et six anciens responsables de Vivendi Universal doivent comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris entre le 2 et le 25 juin. Messier et son ancien directeur financier sont notamment poursuivis pour « diffusion d'informations trompeuses sur les perspectives » de Vivendi.
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