1855.com, le site qui vendait des bouteilles de vin fictives

Le site de vente de vins en ligne 1855.com fait l’objet d’une information judiciaire. Mis en cause pour l’escroquerie de 11.000 clients, Emeric Sauty de Chalon, le créateur du site, est à l’origine d’une arnaque qui a duré plus de dix ans.

Il y a quelques jours, une information judiciaire a été ouverte à Paris selon le magazine Challenges. 1855.com, un site de vente de vin en ligne fondé par Emeric Sauty de Chalon, entrepreneur et escroc habile, a vendu pendant plus de 10 ans des bouteilles qu'il n'avait pas en stock, voire des grands crus qui n'existent pas. Et s'est attiré le foudres de ses clients trompés.

Des débuts fulgurants

En 1990, à peine diplômé de la prestigieuse école de commerce HEC, le jeune homme sent qu'il a une carte à jouer avec la vente de vin sur internet. Il lance 1855.com, et n'hésite pas à jouer des références, puisque 1855 n'est autre que l'année où Napoléon créé la classification des vins de Bordeaux.

Pour court-circuiter la vente de vins via les grossistes et les négociants, le site affiche très vite des ambitions surdimensionnées : il propose plus de 25.000 références de bouteilles de vins, alors que ses concurrents n'en vendent... qu'une dizaine de milliers. Emeric Sauty de Chalon prend également soin de s'associer à des personnalités de renom pour lancer son business. Il ne tarde pas à se rapprocher du baron Ernest Antoine Sellière ou du producteur de cinéma Dominique Farrugia. Rapidement, Jean-Pierre Meyers, qui n'est autre que le neveu de Liliane Bettencourt, devient même le principal actionnaire de l'affaire.

Le jeu dangereux de la cavalerie financière

Son business model repose sur l'absence de coûts liés au stockage ou à l'assurance des bouteilles. L'approvisionnement en vins se fait donc en fonction des commandes réalisées. Cela signifie que 1855.com n'a pas forcément les crus en réserve lorsque les clients paient en ligne pour les recevoir.

Pour se protéger, l'entreprise d'Emeric Sauty de Chalon annonce un délai de 18 mois entre le moment où la commande est passée et celui où la bouteille est livrée. Une gestion risquée, qui ne tarde pas à mettre l'entreprise en faillite.

Puisque le site n'a pas de stock, l'entreprise démarre difficilement, en honorant ses clients au fur et à mesure des rentrées d'argent. Le premier à payer sur 1855.com donne en fait les premières ressources à l'entreprise pour acheter et livrer les commandes suivantes.

Les quelques bouteilles en stock lors du lancement ne suffisent pas à assurer les arrières du site qui se retrouve, en 2015, avec près de 11.000 clients qui n'ont jamais reçu leur livraison. Un argument que refuse d'entendre l'avocat de la société, Philippe Blanchetier, pour qui "neuf clients sur dix ont été livrés."

La saga judiciaire

Dès 2007, l'association de consommateurs UFC Que Choisir, met en garde contre un système à la limite du légal :

"Un système de vente à découvert, flirtant avec l'illégalité, car le vendeur propose un produit qu'il n'est pas certain de fournir."

Les procédures à l'encontre de 1855.com débutent sérieusement en 2012, avec le dépôt de plusieurs plaintes auprès de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes. Cette même année, l'association de clients floués Abus1855 compile les différentes plaintes des utilisateurs de 1855.com. Et malgré de nombreux témoignages attestant de l'escroquerie, le site continue de fonctionner normalement jusqu'en janvier 2015 où il est placé en liquidation judiciaire.

En 2013, une instruction est ouverte à Bordeaux, suite aux plaintes de professionnels du vin pour "pratiques commerciales trompeuses". Enfin, le 12 mars 2015, l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) inflige 350.000 euros d'amende aux dirigeants d'Héraclès, la société qui détient le site internet 1855.com. En cause, les "informations financières inexactes et trompeuses" divulguées par l'entreprise.

Elle omet, par exemple, de préciser clairement qu'elle a une dette de 40 millions d'euros. Le mot escroquerie est alors validé par AMF, tandis qu'Emeric Sauty de Chalon dénonce le verdict :

"Il s'agit d'une très très belle réécriture de l'histoire."

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Commentaires 2
à écrit le 16/07/2015 à 12:24
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Pour vous, Louis XIII et Louis XIV sont-ils la même personne ? Je doute en effet que Napoléon mort sur l'île de Sainte Hélène en 1821 ait pu disposer de la classification des vins en 1855... Par contre c’est son neveu, Napoléon III qui est à l’init...

à écrit le 16/07/2015 à 9:50
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J'ai eu une fois affaire à eux: j'avais commandé une caisse de Bourgogne d'un producteur particulier. J'ai payé tout de suite, mais j'ai dû relancer plusieurs fois car le vin n'arrivait pas dans les délais indiqués. Ils ne répondaient même pas, et j'...

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