Insupportable Pop'pea

Le Théâtre du Châtelet propose une version rock du Couronnement de Popée de Monteverdi. L'intention était louable et intellectuellement intéressante. Le résultat est raté.
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Etait-il bien raisonnable d'aller voir un opéra rock lorsque l'on a du mal à apprécier la musique après Debussy ? Certes pas. Mais il est parfois tentant de se dire qu'il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis. En outre, le projet de Jean-Luc Choplin, le patron du Châtelet, de populariser l'oeuvre de Monterverdi et de lui donner un "coup de jeune", partait d'un bon sentiment. Le Couronnement de Popée, le dernier opéra de Monteverdi est une oeuvre profonde où le compositeur a laissé parler tout son sens du dramatique. Morceau baroque d'une grande pureté, c'est sans doute l'oeuvre la plus aboutie du musicien. Mélanger les genres n'est pas dénué d'intérêt. On se souvient, au Châtelet justement, d'une version de la Flûte enchantée de Mozart interprétée par un orchestre et des chanteurs sud-africains. Le résultat était époustouflant.

Des chanteurs mal à l'aise avec les notes

Cette transcription de l'oeuvre de Monteverdi en opéra rock n'a, en fait, rien à voir avec Monteverdi. C'est un pur produit rock qui pourrait plaire à ceux qui aiment cette musique. Le problème pourtant, c'est que les chanteurs ne sont pas du tout à l'aise avec les notes et chantent souvent faux. Un comble lorsque l'on sait que les rôles principaux ont été donnés à des stars du genre dont Carl Barât des Libertines ou Fredrika Stahl spécialiste du registre jazz.

Jeu de miroirs entre les décors vidéos et les protagonistes

Si l'on retrouve grossièrement l'histoire du Couronnement de Popée avec un Néron décadent,et ses problèmes avec ses femmes, l'intrigue semble elle aussi échapper aux protagonistes. Mais c'est sans doute en raison de la mise en scène de Pierrick Sorin. Comme a son habitude, cet habitué du Châtelet a multiplié les scènes avec des jeux de miroirs entre des vidéos tournées en direct et les acteurs. L'imagination débordante de cet artiste a, cette fois, abouti à un résultat très kitch où les gâteaux géants (notamment des religieuses au chocolat surplombées de gros tétons) arrosés de coulis de fraise le disputent aux ombres chinoises de scènes d'amour. Cette dichotomie entre les décors reproduits grâce à un jeu d'images vidéos et les chanteurs est intellectuellement intéressante. Ils sont comme spectateurs de leur vie, rendant plus pénétrant le mythe de la caverne platonicien. L'impression est pourtant très décousue et nous empêche d'entrer dans l'histoire. On se demande donc très vite ce que l'on fait là. D'autant que la musique est d'une insupportable fadeur lorsqu'elle ne cède pas à la facilité. Comme lorsque deux gardes de Néron commencent à entonner un morceau de rap. Clairement, le compromis voulu ici ne marche pas. Les adeptes de Monteverdi n'y trouvent aucun plaisir, sauf ceux qui ont peur de passer pour ringards et les fans de rock devraient avoir du mal à adhérer à la transcription écrite par Micchael Torke. Seuls les fans de Benjamin Biolay en auront toutefois pour leur argent.
 

Pop'pea

Théâtre du Châtelet

Jusqu'au 7 juin à 20 heures

Prix des places : de 10 à 88 euros.

Réservations : www.chatelet-theatre.com

Tel : 01.40.28.28.40

 

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