René Fleming, divine Arabella à la Bastille

L'opéra Bastille nous plonge dans l'oeuvre de Richard Strauss avec une magnifique interprétation de la diva américaine.
Renée Fleming (Arabella) et Michael Volle (Mandryka) / Opéra national de Paris - Ian Patrick

C'est de Vienne que partit la guerre de 14-18 ; c'est de Vienne encore qu'Hitler s'élança à la conquête de l'Allemagne puis du monde entier. C'est dire si cette ville emblématique concentre tous les fantasmes et toutes les ambitions les plus folles, ne serait-ce qu'en raison de son passé encore plus illustre du temps des Habsbourg. Ville romantique, ville brutale, ville féerique, c'est aussi la ville de Hugo von Hofmannsthal, célèbre poète autrichien avec lequel Richard Strauss, d'origine munichoise, va se lier d'amitié et composer l'essentiel de ses opéras. Strauss comptait sur son librettiste pour mettre en évidence des caractères humains romantiques, touchants et proches des préoccupations de chacun. Il voulait rompre avec cette tradition des héros de l'Olympe aussi inaccessibles qu'incompréhensibles.
D'où l'intrigue d'Arabella que von Hofmannsthal n'eut pas le loisir de voir sur scène en 1933, le poète ayant disparu en 1929. Arabella est une jeune et belle viennoise qui ne compte plus les prétendants mais n'arrive pas à faire son choix sur l'un d'entre eux. Elle est persuadée que lorsqu'elle rencontrera l'amour, elle ne se posera aucune question et que cela lui apparaîtra comme une évidence. Thème romantique par excellence. Ses parents sans argent essaye de lui trouver un riche parti. Survient de sa campagne Mandryka, un jeune gentilhomme. Les deux tourtereaux tombent immédiatement amoureux et se promettent un amour éternel. Un quiproquo laisse croire à Mandrika qu'Arabella entend terminer sa vie de jeune fille avec l'un de ses prétendants. Mais le malentendu est vite dissipé et tout rentre dans l'ordre, l'amour avec un grand A ayant finalement raison de tous les pièges de la vie.
Cet opéra de Richard Strauss ressemble assez au chef d'oeuvre du compositeur composé en 1911 : le Chevalier à la rose. Dans son intrigue déjà, où l'amour, le vrai, triomphe toujours et des malentendus et des dérives sociales. Mais aussi dans sa construction musicale et son esthétique. La musique de Strauss a la particularité d'être tout à la fois puissante et émouvante; brutale et romantique, forte et d'une incroyable douceur. Comme si la forme et le fond étaient dissociés, comme si finalement toutes ces oppositions ne faisaient qu'une, celle des méandres de la vie. Nous captivant toujours plus dans l'espoir d'en savoir un peu davantage. Arabella est bien de cette trempe. D'autant que le personnage principal n'a rien d'une diva évaporée ou sourde aux vicissitudes de ses proches. C'est pourtant un personnage d'une parfaite pureté. Et c'est là où la voix de Renée Fleming, dans le rôle titre, prend toute son importance et nous apporte cette impression de douloureuse perfection.
Douloureuse, car elle nous plonge sans discernement dans les doutes de cette héroïne puis dans son incompréhension lorsqu'elle est accusée à tort de tromper Mandryka. Perfection, car sa voix, puissante, gracile, aérienne et d'une magnifique couleur nous emmène très loin sur les rives du Danube. A noter aussi la splendide et tout aussi puissante interprétation de Michael Volle, dans le rôle de Mandryka.
La mise en scène de Marco Arturo Marelli, relativement sobre, s'attache surtout à mettre en avant des jeux de lumières associés à une sorte de mouvement perpétuel. Celui sans doute du temps qui passe et nous rapproche inéluctablement de l'amour et de la mort. De très grands panneaux soit nuageux soit colorés nous font penser aux grandes fresques de Klimt, le peintre préféré des viennois. Vienne la rebelle, Vienne, cette éternelle amoureuse qui préfère la vie au tragique. Dans le domaine musical, en tout cas.


Arabella
Opéra Bastille
Jusqu'au 10 juillet
Prix des places : de 10 à 180 euros
Réservation : www.operadeparis.com

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Commentaires 3
à écrit le 25/06/2012 à 14:27
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donc, yes, Renée Fleming est magnifique dans ce rôle. J'en suis à ma 4ème représentation : cette femme est crédible, humaine,elle sait tout faire, et elle a une voix à tomber

le 30/07/2012 à 9:31
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j'ai été fort déçu par ce spectacle y ycompris par Renée Fleming très en deçà de ce qu'elle donne habituellement. La voix passait difficilement dans le grave et des trous entre les différents registres entâchaient la pureté du chant. Fatigue sans dou...

à écrit le 25/06/2012 à 14:23
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Mais oui, Renée Fleming est somptueuse!! J'en suis à ma 4ème représentation, et je suis toujours bluffée!Totalement crédible, totalement engagée, totalement sincère, totalement humaine, c'est magnifique.

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