Vous faites partie de l'aventure du Lieu du design depuis sa création puisque vous en avez été le directeur opérationnel pendant 6 ans. A l'époque, c'était assez inédit de consacrer un endroit à la valorisation du design auprès des entreprises. Un long chemin parcouru ?

Un chemin qui se poursuit encore ! Lorsque j'ai rejoint l'équipe du Lieu du design en 2008, un an avant son ouverture, il n'existait pas de lieu équivalent à Paris. Tout était à construire. Il nous a fallu établir les grandes lignes stratégiques, instaurer et étendre un réseau ; être dans l'ouverture immédiate auprès de l'ensemble des acteurs qu'ils soient des institutionnels, des entreprises ou des designers. Nous avons écrit l'histoire au fur et à mesure. Dès le départ, le lieu a été pensé dans une logique de complémentarité. Nous avons donc établi des partenariats très forts avec l'INPI, Paris Région Entreprises, le Centre Francilien de l'Innovation, la Matériauthèque. La gouvernance du lieu comporte un collège entreprises / designers avec des grands groupes comme Peugeot, Citroën, Décathlon, Orange..., un collège institutionnel avec la mairie de Paris. Nous sommes également partenaires avec l'APCI (Agence pour la création industrielle), l'Institut Français du design ou encore le VIA (Valorisation de l'innovation dans l'ameublement).

Quels sont les points forts du Lieu du design aujourd'hui ?

Notre point fort est avant tout géographique. Car c'est à Paris que se trouvent les poids lourds du design. En termes de réactivité, cela change tout. Nous possédons également un réseau extrêmement étendu et pour 2015 nous souhaitons élargir cette logique d'ouverture.  Nous allons multiplier les rencontres avec des pôles de compétitivité, des syndicats professionnels, des pôles de développement économique dans la grande couronne de Paris. Notre réseau aujourd'hui est de 150 000 professionnels tous secteurs d'activité confondus ; nous sommes capables de mettre en  lien un fabricant, un prototypiste, un laboratoire de recherche, un spécialiste de l'export, du marketing, de l'éco-conception. La grande force du Lieu du design est de pouvoir interagir extrêmement rapidement avec une équipe très mobilisée. En fait, nous avons conservé l'état d'esprit de start-up depuis la création du Lieu.

Vous venez de quitter le Faubourg Saint-Antoine, quartier historique des métiers d'art, pour rejoindre le quartier de la Villette, là même où se situe le pôle Paris Région Entreprises. Concrètement, qu'est-ce que cela va changer pour vous ?

C'est un vrai challenge ! En termes de stratégie, nous nous sommes fixés de nouveaux objectifs. Notre étendue internationale fait que le Lieu recouvre des champs très vastes. C'est pourquoi, nous souhaitons diversifier nos activités. Et le fait d'être dans le bâtiment qui regroupe Paris Région Entreprises et La Fonderie -Agence Numérique d'Ile-de-France, nous aide à mettre en place une logique de réponse globale à toutes les problématiques de l'entreprise. Cela nous permet de gagner en réactivité. Par ailleurs, nous disposons de plus d'espace d'expositions ce qui va nous permettre de présenter des expositions plus ambitieuses et de donner plus de liberté d'expression aux commissaires.

Quel est le bilan du Lieu du design depuis ces cinq premières années ? Le design est-il perçu différemment par les dirigeants de petites et moyennes entreprises ?

Notre prochaine exposition, Design Power qui débutera le 10 avril, présentera le bilan du Lieu du design et fera la démonstration qu'en 5 ans nous avons fait beaucoup de chemin. La scénographie, assurée par les Sismo, présentera les résultats concrets menés par notre pôle entreprises, tous secteurs confondus. Alors, c'est vrai, le chemin est assez long pour convaincre une certaine catégorie de chefs d'entreprise du rôle majeur du design, mais je pense que cela tient à la nature humaine même des dirigeants. Aujourd'hui, nous voyons arriver une nouvelle génération de dirigeants peut être plus ouverts,  qui ont intégrer la dimension numérique dans leur quotidien. Et on ne peut pas parler de numérique sans design. De fait, on commence à translater le design vers des actions beaucoup plus industrielles, on parle de design de voiture mais en l'associant à la technologie, l'intérieur et l'habitacle et non plus uniquement à l'extérieur et la couleur. On le voit aussi dans les domaines de l'électroménager et de la téléphonie, où le design a intégré la dimension technologique. Progressivement, la culture design est en train de s'intégrer dans la compréhension de tous.

Le consommateur ne joue-t-il pas, à ce titre, un rôle clé ?

Tout à fait. Nous sommes tous des consommateurs. Face à un rayonnage, demandez-vous pourquoi vous achetez tel ou tel produit. Nous avons tous le réflexe d'aller vers le produit le plus séduisant avant même de regarder le prix. Les dirigeants d'entreprises ont compris que le visuel était important, que c'était l'élément déclencheur de l'acte d'achat. Après viennent les questions du prix et de l'usage. Aujourd'hui, le design est devenu incontournable. A nous d'expliquer que le design n'est pas uniquement une définition conceptuelle du beau.  Car si le design est un travail sur une image de marque, sur une forme, une fonction, c'est avant tout un travail sur un usage. Il est primordial de prendre en compte l'usage du consommateur final.

Organisez-vous des formations ?

Nous organisons des ateliers de sensibilisation au design destiné aux chefs d'entreprise. Ces ateliers sont basés sur des thématiques très variées comme la santé, l'agro alimentaire, le verre, la céramique, l'optique de pointe. Ils débutent toujours par des success stories de couples industriels / designers qui ont réussi grâce à cette alliance design / entreprise et qui viennent parler de leur expérience et de leur relation technique, technologique et humaine. Le tout sans langue de bois, où toutes les questions sont permises : le design, ça prend combien de temps ? Le design, ça coûte combien ? Ces ateliers sont une véritable immersion dans le concret. Il est important de lever les idées fausses comme celle que le designer coûte cher et qu'il ne se préoccupe que de la forme. C'est notre rôle de faire comprendre que le designer doit être présent dès le premier brief d'un projet, qu'il doit avoir une feuille de route afin de collaborer avec tous les services, qu'il est présent pour écouter et amener des éléments de réflexions stratégiques sur la conception mais aussi sur la commercialisation. Nos ateliers ont pour vocation d'expliquer ce qu'est une démarche design.

Quel est le bilan des ces ateliers aujourd'hui ?

Trop d'entreprises encore aujourd'hui commettent l'erreur, qui est basée sur le modèle ancien d'une étude de marché, de lancer un produit sans même l'avoir fait valider par un groupe test de consommateurs. Cette étape est pourtant stratégique.  Elle doit se faire  in situ avant même de valider le produit car le designer devra encore le peaufiner avant sa mise sur le marché. Certaines agences le font très bien mais à contrario, certaines entreprises considèrent cela comme une étape superflue, comme un coup supplémentaire. De fait, elles se cloisonnent encore à la vieille étude de marché axée sur le désir des consommateurs. Or, aujourd'hui, nous ne sommes plus dans un marketing de l'offre mais dans un marketing de la demande. Se priver de la parole de l'utilisateur, de ses attentes, de ses besoins et de ses remarques, c'est laisser la place aux concurrents étrangers qui eux ont parfaitement compris cette logique et cette démarche. 50 % des entreprises qui assistent à nos ateliers nous contactent dans la semaine qui suit pour avoir un entretien avec notre pôle entreprises et déclencher une intégration design dans leur entreprise. C'est très encourageant. A nous maintenant d'atteindre les 100 %.

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DESIGN POWER, l'exposition présentée par Le Lieu du design, du 10 avril au 11 juillet 2015

Depuis sa création en 2009, le Lieu du Design a accompagné près de 900 projets portés par des entreprises ou des designers dans de nombreuses filières industrielles. À l'occasion de ses 5 ans, il présente une exposition intitulée DESIGN POWER, du 10 avril au 11 juillet 2015. Dans une scénographie originale signée par les SISMO, près de 100 projets feront la démonstration de la capacité du design à innover et à permettre aux entreprises de gagner en compétitivité et se différencier. Du stade de l'idée à celui de la commercialisation, toutes les étapes de la conception des produits et services seront abordées. Elles mettront en lumière la méthodologie originale proposée par le Pôle Entreprises du Lieu pour l'accompagnement des entreprises, engagées dans l'intégration d'une démarche design.

Infos + : www.lelieududesign.com

Le robot e-vigilante conçu par EOS Innovation a remporté plusieurs prix de l'innovation. Il fait partie des projets présentés dans le cadre de l'exposition Design Power.

Valérie Abrial

13 Avr 2015, 9:06

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