La taxe professionnelle a vécu, vive la "TP verte" !

Par Pierre Lasry, président du directoire de LowendalMasaï, cabinet de conseil spécialisé en optimisation de coûts.

La taxe professionnelle (TP) a connu déjà plusieurs réformes au cours de ces dernières années. La dernière en date vient d'être annoncée par le président de la république et consiste à étendre la portée du dégrèvement pour investissements nouveaux (DIN). Cette mesure n'est sans doute qu'une première étape car il est vraisemblable que le nouveau président du Sénat, Gérard Larcher, ou la nouvelle commission Balladur, chargée de réfléchir à l'organisation future des administrations décentralisées, ne pourront faire l'économie d'une refonte de la TP.

Parmi les pistes fréquemment évoquées, comme la prise en compte de la valeur nette des immobilisations, la réforme que François Fillon semble appeler de ses v?ux consisterait à asseoir définitivement et entièrement la TP sur la valeur ajoutée, entraînant ainsi un rééquilibrage en faveur de l'industrie, des transports et de l'énergie, qui payent aujourd'hui 65% de la TP alors qu'ils ne produisent que 33% de la valeur ajoutée.

Cette piste de réforme ne nous semble pas satisfaisante. En effet, la taxe professionnelle, qui était jusqu'alors un impôt de «stock» assis sur les immobilisations, deviendrait un impôt de «flux», comme l'impôt sur les sociétés (IS), avec, en conséquence, le risque de voir son produit fluctuer de manière significative à l'avenir. Or, nous savons que ses recettes doivent être stables et pérennes pour garantir le financement et l'autonomie des collectivités territoriales et que le ralentissement de l'économie est devant nous. De surcroît, cette réforme viendrait pénaliser les entreprises les plus innovantes, celles justement qui créent le plus de valeur ajoutée.

D'ailleurs, un tel nouveau dispositif réintroduirait paradoxalement dans la base taxable les salaires et les dotations aux amortissements, ce qui signifierait la résurrection de la TP ancienne formule, calculée sur les salaires et les immobilisations ! Enfin, cette réforme constituerait un formidable retour en arrière en matière d'autonomie financière des collectivités territoriales : la baisse automatique du produit de la TP serait compensée par un transfert massif de l'Etat, qui transformerait virtuellement cet impôt local en une dotation étatique. A l'évidence, les élus locaux ne sont pas prêts à se rallier à cette hypothèse, en raison de la perte d'autonomie qu'elle signifierait et des incertitudes sur la «juste compensation» de la part de l'Etat. On pourra déjà noter que l'extension du DIN annoncée par Nicolas Sarkozy coûtera à l'Etat plus de 1 milliard d'euros au titre des compensations à verser aux collectivités.

Alors, plutôt que d'entreprendre un énième replâtrage de la taxe professionnelle, le moment est peut-être venu de faire table rase du passé et de se montrer créatif. La nouvelle taxe que nous proposons présenterait trois avantages majeurs. Elle confèrerait aux collectivités une ressource pérenne qu'elles auraient la capacité de piloter. Elle traiterait les entreprises, qu'elles soient industrielles ou de service, de manière équitable. Enfin, elle orienterait ces mêmes entreprises vers la protection de l'environnement.

Pourquoi une «TP verte» ? A l'heure ou le Grenelle de l'Environnement vient de connaître une première consécration législative, le développement accepté de la fiscalité environnementale constitue une formidable opportunité. A la «mauvaise fiscalité» qui pèse sur le travail, les investissements, la valeur ajoutée des entreprises et leur développement, qui éloigne les entreprises du territoire et fait historiquement bondir le patronat, nous préférons une nouvelle fiscalité, une fiscalité «vertueuse» au service d'une cause aujourd'hui largement partagée et même vécue comme prioritaire par la plupart des chefs d'entreprise. Les pouvoirs publics percevraient là, sans nul doute, le fameux «deuxième dividende» d'un nouvel impôt accepté.

Notre idée est de substituer à l'archaïque TP une taxe sur l'environnement, incitative mais suffisamment productive, calibrée en fonction des particularités des bassins d'emplois et des structures intercommunales qui la perçoivent, et co-pilotée par l'Etat (*) afin de s'insérer au mieux dans les objectifs nationaux qu'il pourrait fixer.

Les usines, les immeubles, les employés, leurs véhicules et leurs déplacements sont rattachés à des sites bien précis, leurs émissions de CO2 sont territorialement localisables et constituent ainsi une base taxable facile à identifier. Toutes les entreprises réfléchissent déjà à améliorer leur empreinte écologique et leur bilan carbone, en construisant des bâtiments HQE, en incitant au covoiturage ou en pensant l'évolution de leur flotte automobile en fonction des émissions de CO2. Nous estimons qu'une taxe professionnelle «verte», qui serait notamment assise sur les émissions de CO2, stimulerait cette réflexion, inciterait au déploiement de mesures concrètes et participerait à la découverte de nouveaux moyens durables de production.

Le remplacement de la taxe professionnelle actuelle, unanimement jugée anti-économique, par un nouvel impôt environnemental incitatif, dont le produit serait garanti par l'Etat et les contours définis par les collectivités, engagerait clairement la France dans la voie d'une croissance moderne et durable.

Certes, beaucoup reste à faire avant de porter cette nouvelle taxe, la «TP verte», sur les fronts baptismaux. Mais vaut-il mieux se hâter pour finaliser une réforme dont on connaît déjà tous les inconvénients et toutes les limites, ou prendre le temps de réformer en profondeur «l'impôt imbécile» déjà dénoncé, en son temps, par François Mitterrand pour faire émerger une taxe intelligente, moderne et progressiste ?

(*) Rappelons que l'Etat est déjà, et de loin, le premier contribuable local, et que la péréquation a désormais été constitutionnalisée.

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