Achat aux enchères des titres toxiques, il va falloir attendre...

Par David Salant, professeur associé à l'Ecole d'économie de Toulouse (TSE).

Trop complexes, longues et difficiles à mettre en ?uvre? les enchères inversées prévues par le plan Paulson ne seront pas organisées aussi vite que prévu. Quelques jours seulement après avoir été adopté par le Congrès, le plan initial a été profondément remanié. Confronté à la baisse des Bourses mondiales, le gouvernement des Etats-Unis a décidé dans l?urgence, comme ses homologues européens, d?entrer directement dans le capital d?un grand nombre d'établissements financiers.

L?idée d?organiser des enchères inversées, pour que l?Etat américain rachète les titres les plus douteux afin d?assainir les comptes de ces établissements, n?est pas pour autant abandonnée. Le plan Paulson, dans sa première version, voulait tenter d?apaiser la tourmente uniquement grâce à cette procédure. On espérait qu'une telle démarche permettrait de rétablir la confiance, et que les marchés du crédit retrouveraient ainsi un fonctionnement normal. Elle interviendra en fait dans un second temps. Les titres considérés comme douteux, voire toxiques seront regroupés en «pool» en fonction de leurs caractéristiques, et pour chaque «pool» des enchères seront lancées, le gouvernement choisissant d?acheter aux institutions prêtes à accorder les prix les plus bas.

Un tel système présente des avantages majeurs pour le Trésor et le contribuable américain. Il permet aux pouvoirs publics de mettre en concurrence les acteurs du marché, en l?occurrence les banques, en les obligeant à dévoiler leur véritable situation. Si les prix offerts par le Trésor sont très bas, par exemple, certains propriétaires d'actifs préfèreront les conserver, montrant par là qu?ils s?attendent en fait à une remontée des cours et disposent de plus de liquidités qu?ils ne le disent, tandis que d?autres, réellement pris à la gorge, choisiront de vendre. Le gouvernement saura mieux à quoi s?en tenir et optimisera ses dépenses. C?est un système qui permet d?attribuer les fonds publics de manière transparente et équitable, dans une période où le marché manque cruellement de liquidités.

Mais l?idée de lancer ces enchères inversées en quelques jours était en fait assez illusoire. Mon expérience en tant qu?organisateur d?enchères inversées dans le domaine de l?électricité aux Etats-Unis m?a montré à quel point une préparation rigoureuse, forcément longue, est nécessaire. Car de nombreux problèmes doivent être résolus.

Les biens regroupés dans un «pool» donné doivent être strictement identiques, car dans le cas contraire, l?acheteur public va se voir systématiquement proposer les biens de plus mauvaise qualité. La constitution de groupes de biens parfaitement homogènes est donc un enjeu majeur. Elle nécessite des capacités d?analyse élevées.

Il faut aussi décider des règles précises des enchères. Par exemple, est-ce le gestionnaire de l?enchère qui propose des prix en ne laissant aux participants que le choix de la quantité qu?ils sont prêts à fournir à ce prix ? Ou bien ? autre possibilité - est-ce que les participants aux enchères proposent à la fois des prix, et les quantités de titres qu?ils vendent à ces conditions? Le nombre des enchères peut aussi être discuté. Choisit-on d?organiser un achat massif ou plusieurs enchères d?ampleur plus modeste ?

Plusieurs mois peuvent être nécessaires pour obtenir un consensus sur ce type de décisions pour des enchères menées dans le domaine de l?énergie. Et les difficultés sont démultipliées pour des enchères telles que celles prévues par le plan Paulson, dans lequel, il ne s?agit plus de dépenser des milliards de dollars, mais cette fois des centaines de milliards.

Si des contraintes de temps trop fortes s?imposent, le risque d?inefficacité et donc de gaspillage des deniers publics devient important. L?expérience montre qu?il faudra sans doute laisser un certain degré de liberté au Trésor américain, afin qu?il puisse refuser d?acheter des actifs si les offres sont trop élevées, en l?autorisant par exemple à faire une deuxième enchère à une date ultérieure.

Dans un contexte de crise financière aigue, on comprend pourquoi de telles enchères ont été précédées par des mesures d?urgence. L?investissement direct et massif dans les institutions financières a été semblable au choc électrique administré dans l?ambulance au patient qui fait un infarctus. On relance la machine. On rétablit les équilibres indispensables. Et pendant ce temps, on prépare un traitement de fond approprié.

D?ores et déjà, le Trésor américain a nommé un gestionnaire responsable de l?organisation des enchères. Il a aussi publié les premières règles qui s'appliqueront aux institutions qui voudront proposer des biens à la vente. Espérons seulement que les mesures prises dans l?urgence ne se révèleront pas trop coûteuses à terme.

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