L'enseignement supérieur dans la relance de l'économie

Par Jean-Marc Schlenker, mathématicien, professeur à l'université Toulouse III (jmschlenker.googlepages.com).

La crise actuelle rend nécessaire une relance économique. Les mesures dans ce sens devraient être temporaires (pour ne pas peser à long terme sur les finances publiques) et conduire à une augmentation rapide de la demande. Les investissements dans la recherche, bien que nécessaires pour l'avenir, sont inadaptés : ils sont durables et n'auraient pas d'effet immédiat sur la demande.

Deux mesures concernant l'enseignement supérieur peuvent en revanche être proposées, outre celles déjà annoncées concernant les bâtiments. La dépense par étudiant est faible dans les universités françaises, d'où un encadrement insuffisant des étudiants, qui explique en partie le fort taux d'échec dans les premiers cycles et la faible attractivité de nos universités. Ce domaine est à privilégier aussi parce qu'il prépare l'avenir, et qu'il aide en période de crise à restaurer la confiance des plus jeunes tout en accumulant du capital humain.

Première mesure : augmenter temporairement, mais massivement, le nombre d'allocations de thèse. Beaucoup d'étudiants arrivent actuellement au niveau bac + 5 et vont chercher un travail au plus mauvais moment. Il serait bénéfique, pour eux et pour l'économie, qu'ils mettent à profit la période difficile qui s'annonce pour compléter leur formation. A l'issue de leur doctorat, ceux qui quitteront le système académique trouveront plus facilement un emploi, et contribueront au rapprochement nécessaire entre la recherche publique et les entreprises.

Les allocations de thèse supplémentaires devraient s'adresser en priorité aux étudiants issus de formations reconnues par les entreprises (en particulier les grandes écoles) et les orienter vers les laboratoires à forte reconnaissance internationale, ce qui n'est aujourd'hui pas toujours le cas. Le coût de l'ouverture de 2.000 allocations de thèse supplémentaires en 2009 et autant en 2010 serait de l'ordre de 120 millions d'euros par an à son maximum, en 2011. Un budget supplémentaire pourrait être attribué aux laboratoires (sélectionnés) accueillant ces doctorants, pour leur permettre de le faire dans les meilleures conditions.

Seconde mesure : accorder des moyens spécifiques aux universités pour employer des étudiants avancés pour enseigner aux premiers niveaux et pour contribuer à la recherche. L'apport de ces étudiants ("teaching" ou "research assistants") est considérable dans la plupart des grandes universités du monde, où les étudiants de niveau master ou doctorat assurent l'essentiel des travaux dirigés et des corrections des copies qui représentent l'encadrement quotidien des étudiants entrants.

En France, en revanche, leur apport est limité aux doctorants qui, dans le cadre d'un "monitorat", enseignent quelques dizaines d'heures par an. Si les universités peuvent depuis peu employer des étudiants, rares sont celles qui en font usage, préférant partager le nombre d'heures supplémentaires entre leurs enseignants-chercheurs.

La contribution des étudiants à l'enseignement ou à la recherche est positive à plus d'un titre. Elle leur offre une activité valorisante, motivante et rémunératrice. Elle décharge les enseignants-chercheurs de tâches qui sont pour eux répétitives et ennuyeuses, comme la correction de copies. Elle est économique : une heure confiée à un étudiant, même généreusement payée, est bien moins coûteuse que l'une des 128 heures de cours réalisées annuellement par un enseignant-chercheur. Les étudiants pourraient donc offrir un véritable encadrement de qualité en premier cycle, trop coûteux pour être réalisable par les seuls enseignants-chercheurs.

Ce dispositif pourrait être ouvert aux meilleurs étudiants de L3 - constituant pour eux un dispositif incitatif fort - puis plus largement aux niveaux M1 et M2, et généralisé pour les doctorants. A l'issue de la période de relance économique, les capacités d'enseignement ainsi développées pourraient être utilisées en fonction des priorités du moment : soit pour diminuer le coût de l'enseignement supérieur en réduisant le nombre de postes d'enseignants-chercheurs (surtout dans les domaines où les viviers de candidats à fort potentiel de recherche sont limités), soit pour améliorer l'efficacité de la recherche publique, en déchargeant les chercheurs les plus actifs d'une partie de leur enseignement.

Le coût de cette mesure pourrait être variable ; une dépense annuelle de 150 millions d'euros par an, bien utilisée, aurait des conséquences positives considérables.

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Commentaires 5
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le développement de l'emploi précaire dans l'enseignement supérieur, voilà la solution ! Article consternant de bêtise.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les "quelques dizaines d'heures d'enseignement" des moniteurs sont en réalité au nombre de 64 (équivalent TD, c'est à dire 96h de TP) et représentent un tiers du service complet d'un maître de conférence ou d'un professeur... De plus, le "tutorat" es...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Allez donc aux Etats-Unis monsieur Schlenker et restez-y ! Vous êtes trop bon pour daigner enseigner en licence, laissons donc les étudiants le faire.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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En réaction au commentaire je tenais à dire qu'il y a des cours où le contenu change très peu et où un étudiant en master peut très bien enseigner. Au contraire, en tant qu'étudiant, cela m'encouragerait pour continuer mes études. Savoir qu'on va sur...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci pour ces contributions au débat. Une précision : j'enseigne en L1/L2 chaque année depuis mon recrutement dans l'enseignement supérieur, en 1995 (sauf années de délégation cnrs). Je le fais par choix, j'aime ça, et je considère que c'est l'une d...

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