Retour sur le Forum mondial de l'eau

Par Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'Environnement.

La cinquième édition du Forum mondial de l'eau s'est achevée dimanche à Istanbul (Turquie). A l'issue d'une semaine riche de débats constructifs et de qualité, la déclaration finale se devait d'être ambitieuse. On ne réunit pas 25.000 personnes, élus, ONG, industriels et gouvernements sans susciter des attentes légitimes. Ce texte doit servir de cadre de référence pour les années à venir.

Aujourd'hui, je veux dire ma déception, partagée par les membres du Partenariat français pour l'eau ainsi que par de nombreux Etats. Bien sûr, le texte compte plusieurs avancées importantes. Il insiste sur la nécessité de politiques audacieuses d'économies d'eau. Il précise l'importance de prendre des mesures spécifiques, notamment en matière agricole, secteur qui consomme près de 70% des ressources. Il insiste sur la nécessité de lutter contre la pollution des cours d'eau ainsi que des nappes phréatiques. En matière sanitaire, il dépasse la question du simple accès aux commodités de base pour s'attarder sur la collecte et le traitement des eaux usées.

Pour autant, nous sommes passés à côté de l'essentiel?: la reconnaissance officielle d'un droit d'accès à l'eau, et à une eau saine. Ce droit conditionne les autres. Il est le préalable à la vie, à la santé, à la dignité humaine, au développement. Les droits de l'homme lui sont intimement liés. Le troisième rapport mondial des Nations unies sur l'eau a pourtant alerté sur l'état préoccupant de cette ressource. L'eau, source de vie, est la première cause de mortalité dans le monde. Elle tue 10 fois plus que les guerres.

Près de 1 milliard d'êtres humains n'ont pas accès à l'eau potable et 2,6 milliards à un assainissement de base. Au total, 2,2 millions de personnes meurent chaque année des maladies liées à l'absence d'eau ou à l'eau souillée. Toutes les 17 secondes, un enfant décède des suites de diarrhées. Et les perspectives sont extrêmement préoccupantes. En 2030, les deux tiers de la population mondiale vivront dans les villes, dont près de 2 milliards dans des bidonvilles. 39% de la population, contre 9% aujourd'hui, n'auront pas accès à l'eau. Nous sommes au seuil d'une catastrophe sanitaire.

Le programme des Nations unies rappelle que l'investissement dans l'eau potable et l'assainissement constitue la dépense publique la plus rentable. Chaque euro investi permet d'économiser 8 euros, grâce à la baisse des charges de santé et à la hausse de la productivité du travail. D'autant que les bénéfices induits ne sont pas que sanitaires. Dans les régions rurales d'Afrique, la corvée d'eau mobilise chaque jour plus de 100 millions de femmes pendant trois heures.

Des millions de petites filles sont ainsi privées de scolarité. Cet investissement participe donc également à l'émancipation des femmes, à la lutte contre la pauvreté, au développement, à l'éducation, à la protection de l'environnement...

Les solutions existent. Il faut les généraliser. La France plaide pour qu'une véritable place soit donnée à l'hygiène, qui permet de diviser par deux la mortalité. Elle en fait la priorité des projets financés par la coopération française. Avec 350 millions d'euros, la France est au quatrième rang mondial des pays donateurs. Et cette coopération n'est pas limitée à l'Etat. La loi de 2005, dite Oudin-Santini, relative à la coopération décentralisée, permet aux collectivités locales et aux agences de l'eau de mener leurs propres actions auprès des villes du Sud. En 2008, l'ensemble des financements français a permis l'accès à l'eau et à l'assainissement de 2,5 millions de personnes supplémentaires dans les pays en développement.

Mais il faut aller au-delà en encourageant les pays en développement à adopter des stratégies nationales pour le financement des dépenses liées à l'eau et surtout de les confier aux communautés locales. Aucune politique durable ne peut se construire sur le seul principe de la gratuité, incompatible avec une conscience de la rareté et une gestion durable. Il est fondamental d'extraire l'eau des rivalités nationales. 15% des pays dépendent à 50% d'eaux extérieures à leurs frontières. La France va ratifier la convention des Nations unies sur la gestion des fleuves internationaux. Nous convaincrons une majorité de pays d'en faire autant.

Le Forum est le meilleur endroit pour faire avancer ces sujets. Il foisonne d'accords locaux. Il doit être le lieu des grands principes. La France a, pour la première fois, clairement défendu le droit d'accès à une eau saine. Une majorité d'Etats et les ONG ont soutenu cette position. Nous ne sommes pas allés aussi loin que souhaité. Espérons que les opinions et les Etats aient au moins conscience de ce drame.

Pour le prochain Forum, en 2012, pour lequel la France porte la candidature de Marseille, nous irons plus loin dans la gouvernance mondiale de l'eau. La place accordée aux ONG devra être plus centrale. Quant à la déclaration finale, sans préjuger de son contenu, souhaitons qu'elle soit à la hauteur des défis actuels. Les consciences auront bougé.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le problème de l'eau est très basique et facile à résoudre, mais il faut une volonté politique pour réguler la population mondiale et la ramener à 3 milliards d'individus. Mais les dirigeants du monde pensent qu'une croissance exponentielle de la pop...

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