Le G20 hanté par le spectre du sommet de 1933

Par Harold James, qui enseigne l'histoire et les relations internationales à la Woodrow Wilson School de l'université de Princeton.

Le sommet du G20 a fait naître l'espoir que l'internationalisme institutionnel sera à nouveau capable de surmonter les problèmes. Malheureusement, à la mesure des espoirs suscités, la déception sera sans doute au rendez-vous. Le choix du lieu de réunion a une valeur symbolique regrettable, car il évoque la tentative ratée de piloter l'économie mondiale durant la Grande Dépression. La Conférence économique mondiale de 1933 s'était tenue dans l'ancien musée de géologie de Londres, et le nombre de participants, venus de 66 pays, était plus élevé qu'aujourd'hui. Pour les délégués de 2009, d'importantes leçons peuvent être tirées de l'échec de 1933.

A l'époque, tout le monde s'attendait à un échec. La réunion plénière fut paralysée par la façon dont les commissions préparatoires avaient préparé le terrain. Le groupe d'experts sur la question monétaire estimait qu'un accord sur la stabilisation des devises était souhaitable, mais qu'il fallait un accord préalable sur le démantèlement des barrières commerciales. De son côté, le groupe d'experts sur les questions commerciales émit un avis analogue. Il convint que le protectionnisme était une erreur, mais un mal nécessaire sans stabilité monétaire. Seule l'impulsion donnée par une grande puissance déterminée, prête à sacrifier ses intérêts nationaux pour mettre fin à l'impasse, aurait pu sauver la conférence. Mais cette détermination manquait, comme aujourd'hui.

La seconde leçon à tirer de 1933 est la réticence des gouvernements, dans les périodes de difficultés économiques, à consentir aux sacrifices qui pourraient avoir un coût politique à court terme. Dans des circonstances défavorables, les gouvernements, fragilisés, ne veulent pas s'aliéner l'opinion publique.

Confrontés à l'échec programmé de la conférence, les participants cherchèrent un bouc émissaire. Cela ressemblait à une intrigue policière où chaque partie à des raisons d'être suspecte. La Grande-Bretagne et la France s'étaient détournées de l'internationalisme institutionnel et avaient adopté des systèmes commerciaux dits de "préférence impériale".

Le président allemand venait de nommer Adolf Hitler à la tête d'un gouvernement de coalition radical et agressif. De son côté, le gouvernement japonais venait d'envoyer des troupes occuper la Mandchourie. Seuls, les Etats-Unis apparaissaient les plus raisonnables et les plus internationalistes. Ils avaient un nouveau président charismatique, Franklin Roosevelt, avec état d'esprit anglophile et cosmopolite. Il avait déjà pris des mesures vigoureuses pour s'attaquer à la dépression et tentait de réorganiser le système bancaire américain.

Roosevelt hésitait sur la marche à suivre. A la fin, il perdit patience et annonça que les Etats-Unis ne voulaient pas stabiliser le dollar. Ce communiqué fit l'effet d'une bombe. Roosevelt insistait sur la nécessité de restaurer "la solidité du système économique de la nation" et condamnait les "vieux fétiches des prétendus banquiers internationaux".

Les participants se dirent choqués par l'échec de l'internationalisme institutionnel, mais furent ravis d'avoir trouvé le responsable de l'échec.

En 2009, la situation est similaire. Les Etats-Unis souhaitent que le reste du monde augmente leurs plans de relance macroéconomique et estiment que la réorganisation de la réglementation peut être ajournée. Mais de nombreux pays européens n'ont pas les moyens de le faire en raison de finances publiques déficitaires et préfèrent réformer la réglementation internationale du secteur bancaire.

Les alibis sont déjà prêts. Le sommet du G20 ne produira ni plan de relance coordonné, ni projet détaillé de réglementation financière infaillible. Les participants attendront qu'un des chefs d'Etat (Angela Merkel??) perde patience en jugeant que ce sommet est une perte de temps. Tout le monde pourra alors rejeter l'échec sur ce politicien honnête.

Dans les années 1930, les gouvernements bellicistes du Japon et de l'Allemagne avaient le plus à gagner de l'échec. Celui du prochain sommet sera probablement utilisé comme arme rhétorique contre les gouvernements occidentaux pour éviter l'application de nouvelles formes de capitalisme d'Etat.

 

© Project Syndicate 2009

 

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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