L'urgence d'un signal prix pour de nouveaux comportements durables

Par Cyril Cortina qui est directeur au sein de Logica Management Consulting, cabinet de conseil en management et systèmes d'informations. Il est spécialisé sur le secteur de l'énergie et de l'environnement.

La "green economy" (économie verte) est aujourd'hui en marche. Symbole d'un modèle économique à réinventer, ou d'un hypothétique levier de relance à la crise actuelle, c'est une nouvelle révolution technologique tournée vers les énergies vertes et plus largement tous les produits et services innovants qui répondent aux enjeux de développement durable. Ce mouvement passe nécessairement par la "décarbonisation" des filières énergétiques. Cette "décarbonisation" ne peut être possible qu'au travers d'un signal prix fort, pour inciter entreprises, investisseurs et consommateurs à adopter de nouveaux comportements durables en matière de maîtrise de l'énergie (MDE) ou de réduction d'émissions de gaz à effets de serre (GES).

La TVA sociale : un signal prix fort

Pendant la campagne présidentielle française de 2007, la TVA sociale était au centre des débats. Il ne s'agissait pas, contrairement à ce que son appellation pourrait suggérer, d'un nouveau prélèvement mais d'un nouveau mode de calcul des cotisations sociales en vigueur. La TVA sociale consistait à transférer les charges sociales et patronales (aujourd'hui grevées sur les salaires, et donc pénalisantes pour la compétitivité de notre économie) vers une cotisation sociale enregistrée comme la TVA fiscale, c'est à dire en dehors des prix de revient.
Tombée aux oubliettes de la crise, il serait aujourd'hui judicieux de la remettre au goût du jour, son mode de fonctionnement reposant sur une nouvelle répartition des prélèvements obligatoires afin d'améliorer la compétitivité des entreprises nationales. Cela insufflerait notamment ce fameux "signal prix" à une économie que la plupart des dirigeants politiques ou économiques souhaite désormais "décarbonée".

Un marché carbone jusqu'à présent imparfait

Les pouvoirs publics ont, ces dernières années, privilégié la constitution de marchés ou de bourses, où États et entreprises s'échangent et revendent des permis d'émissions de carbone ou des certificats d'énergie. Marchés jusqu'à présent imparfaits pour plusieurs raisons principales. En effet, il n'existe pas sur ce marché d'échange, de réglementation concertée entre les États et plus particulièrement au niveau de la Communauté Européenne. On a pu voir ainsi fleurir selon les pays, des échanges de certificats noirs pour le carbone, blancs pour les économies d'énergie, verts pour les énergies renouvelables ou gris pour la cogénération.
Par ailleurs, le nombre d'acteurs impliqués sur ce marché est faible, tant au niveau des entreprises émettrices de CO2 qu'au niveau des pays concernés (la Chine et l'Inde sont exclues de ces mécanismes alors que les 2 pays émettront plus de 50 % des émissions carbone en 2050 (1) ). Conséquence de ce phénomène : une grande difficulté à jauger la pertinence économique d'une généralisation de ces systèmes de permis d'émission, qui, par ailleurs, sont sujets à des risques de volatilité inhérents à tout marché, à un moment où l'idée de la création de nouvelles bulles spéculatives devient impensable.
Enfin, les trajectoires de mise en ?uvre de ces mécanismes sont nécessairement longues (l'expérimentation est nécessaire avant la généralisation sur les différentes catégories d'acteurs pollueurs), peut-être trop longues pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effets de serre ou de consommation énergétique fixées par les pouvoirs publics (2). Par exemple, sur le marché des certificats noirs, les allocations européennes pour la période 2008 - 2012 sont de 2 100 MtCO2éq (3) par an alors que l'Europe des 27 a déjà émis 5 200 MtCO2éq en 2005.

L'instauration d'une taxe carbone

Il est temps que l'impulsion politique, envisage une alternative fiscale, alternative qui a l'avantage de s'appliquer à tous et tout de suite. Selon un rapport de l'OCDE publié l'an dernier, la mise en place d'une taxe carbone de 37euros  par tonne de CO2 dans les pays de la zone Euro aboutirait en 2030 à une réduction de 43 % des émissions de gaz à effet de serre dans ces pays.
C'est là où le mécanisme envisagé en son temps pour la TVA sociale pourrait servir de base ou de pistes de réflexions à l'instauration d'une taxe carbone et couper court au sempiternel débat franco-français "trop de prélèvements tue l'impôt".
Ce nouveau mode de calcul ne s'appliquerait pas sur les exportations de produits fabriqués sur le territoire, seules les importations en supporteraient les coûts additionnels.

Une compensation carbone et une amélioration de la compétitivité

Transformé en "taxe carbone", ce mécanisme présenterait trois avantages importants.
En premier lieu, une compensation carbone par une diminution des charges sociales, dans une économie exportatrice, améliorerait la compétitivité en diminuant le poids des charges qui plombent les prix de revient, tout en conservant inchangé le niveau global de la demande.
Par ailleurs, cette "TVA carbone" pèserait sur les importations qui ne respectent aucun engagement écologique, puisque seules les importations sont concernées par le mécanisme.
Enfin, ce mécanisme reste bien plus avantageux qu'une taxe sur l'ensemble de la valeur ajoutée d'une entreprise, qui pénaliserait fortement ce qui fait le plus défaut à notre pays aujourd'hui : son innovation, sa recherche, ses investissements, en particulier dans les nouvelles technologies "vertes".
Sur un marché de l'énergie désormais sans frontières, donner un signal prix fort sur le carbone doit provenir d'une gouvernance mondialisée. L'Europe disposerait là d'une chance unique pour se positionner comme l'acteur incontournable dans le développement de la "green economy".

 

 

(1) Rapport OCDE publié en 2008 « les perspectives de l'environnement en 2030 ».

(2) Les « trois fois 20 » : améliorer l'efficacité énergétique de 20%, augmenter de 20% le recours aux énergies renouvelables, réduire les émissions de GES de 20%.

(3) MtCO2eq : millions de tonnes CO2 équivalent (le CO2 équivalent est un gaz virtuel qui tient compte de tous les gaz à effet de serre (GES))

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