La déflation et son marasme

Par Martin Feldstein, professeur d'économie à Harvard. Il a dirigé le comité des conseillers économiques du président Reagan et le Bureau national de la recherche en économie (NBER).

Aux Etats-Unis et dans de nombreux autres grands pays, le taux d'inflation est désormais proche de zéro. Et les économistes interrogés anticipent une chute générale des prix à la consommation aux Etats-Unis et au Japon pour 2009, tandis que l'inflation dans la zone euro ne serait que de 0,6%.

La chute des prix en perspective reflète un écroulement de la production industrielle, un taux de chômage très élevé et la baisse spectaculaire du prix des matières premières. Dans les pays au taux d'inflation négatif, le recul de la production industrielle est supérieur à 10%. En outre, l'indice des prix à la consommation sur toutes les marchandises a subi une baisse de plus de 30% au cours de l'année dernière. L'éventualité de la déflation est donc une question sérieuse. Elle risque d'aggraver la récession de trois manières différentes.

La première incidence négative de la déflation est d'augmenter la valeur réelle des dettes. Et pour les particuliers, la chute des prix entraînant un déclin des salaires, le rapport salaire/mensualités à verser augmenterait aussi, avec le risque de voir les défauts de remboursement augmenter encore un peu plus. De même, l'augmentation de la valeur réelle de la dette des entreprises fragiliserait encore plus les bilans et compliquerait l'accès au crédit.

Le deuxième effet négatif est de gonfler le taux d'intérêt réel. Comme la Réserve fédérale américaine et d'autres banques centrales ont orienté leur taux d'intérêt à court terme vers zéro, elles ne peuvent pas davantage baisser leur taux afin d'éviter la déflation due à l'augmentation du taux d'intérêt réel. Des intérêts à taux réel plus élevé dissuaderaient les foyers et les entreprises d'acheter à crédit, ce qui ferait encore plus reculer la demande et conduirait à un effondrement des prix encore plus prononcé.

Le contexte économique inhabituel qui résulte de la chute des prix et des salaires peut aussi avoir des répercussions psychologiques nuisibles pour les ménages et les entreprises. La déflation nous attire vers des territoires inconnus. Si les prix baissent de 1%, peuvent-ils chuter de 10% ? Si les banques centrales ne peuvent pas baisser davantage les taux d'intérêt pour relancer l'économie, qu'est-ce qui pourrait stopper une chute des prix vertigineuse ? De telles questions sapent notre confiance et rendent tout essai de relance de l'activité économique encore plus difficile à concrétiser.

Certains économistes prétendent que la meilleure manière de gérer la déflation est d'injecter des liquidités dans le système par le biais des banques centrales afin de convaincre le public que l'inflation va à nouveau remonter et que les taux d'intérêt réels à long terme vont finir par baisser. Cette voie conduirait les banques centrales à constamment gonfler la masse monétaire et, même après avoir appliqué cette mesure, les banques de réserve ne pourraient plus diminuer leur taux d'intérêt. En fait, c'est ce que font la Réserve fédérale américaine, la Banque d'Angleterre et la Banque du Japon sous couvert de "détente quantitative".

Il n'est pas surprenant que les employés des banques centrales, engagés à atteindre la cible d'inflation officielle ou non de 2% par an, ne se disent pas ouvertement disposés à abandonner leur poste ni à affirmer qu'ils recherchent un taux d'inflation élevé. Leurs actions expansionnistes ont néanmoins permis une hausse de l'inflation vers les objectifs fixés sur le long terme. Aux Etats-Unis, le taux d'intérêt des obligations gouvernementales est désormais passé à 1,80% pour cinq ans, 2,86% pour dix ans et 3,70% pour trente ans. Comparer ces taux au rendement des obligations gouvernementales protégées de l'inflation montre que l'inflation anticipée est respectivement de 0,9% sur cinq ans, de 1,3% sur dix ans et 1,7% sur trente ans.

Ironie du sort, bien que les banques centrales se focalisent actuellement sur la question de la déflation, le risque le plus important à long terme est que l'inflation augmente trop rapidement alors que les économies se rétablissent et que les banques utilisent de considérables sommes en provenance de leurs réserves pour approvisionner des crédits dont le but est de stimuler les dépenses et la demande.

© Project Syndicate 2009

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