Le pari fou des déficits publics

Par Valérie Brunschwig-Segond, journaliste à La Tribune.

Les déficits et dettes publics des grandes économies explosent. Est-ce donc si grave, docteur ? Ne sommes-nous pas dans la crise la plus grave depuis 1945 - voire 1929 ? Chacun, même chez les plus orthodoxes, n'a-t-il pas fini par admettre que lorsque les ménages et les entreprises se désendettent brutalement, les Etats doivent prendre le relais en s'endettant à leur place ? Surtout si c'est pour préparer l'avenir, en investissant dans des infrastructures, des systèmes de santé ou de formation.

D'ailleurs, la plupart des Etats se refinancent sans mal, et à des taux somme toute très faibles, au moment où l'aversion au risque des investisseurs a atteint des sommets. Bref, on comprend que les ayatollahs de l'équilibre budgétaire aient dû en rabattre quelque peu. Pourtant, quelque chose a subrepticement changé. Que le FMI qui, à la fin décembre, invitait les gouvernements à mener des politiques budgétaires agressives pour éviter la déflation, leur enjoigne aujourd'hui d'afficher au plus vite une stratégie crédible de retour à l'équilibre des finances publiques, est un signe qui ne trompe pas : une inquiétude sourde sur la sortie de crise est en train de prendre corps.

Si la croissance repart comme naguère, la hausse des recettes fiscales, variable clé des équilibres, redressera les comptes publics. Les dépenses budgétaires massives auront alors joué leur rôle : éviter le pire. Mais si, échaudées par un resserrement du crédit qui les a fait passer au bord du gouffre, les entreprises rechignent à s'endetter pour investir et à recruter pour se développer, le chômage continuera à progresser et les ménages se serreront un peu plus la vis. Sans oublier qu'en vertu du célèbre principe de Ricardo, ils épargneront davantage pour faire face à la hausse des impôts qu'annonce l'explosion de la dette publique.

En clair, il se pourrait qu'une croissance sans effet de levier, donc une croissance molle, pointe à l'horizon. Or si l'endettement de l'Etat n'est pas mauvais en soi, c'est à trois conditions : qu'il prépare l'avenir ; qu'il reste en deçà d'un seuil qui ne casse pas les anticipations des agents privés, seuls créateurs de richesse ; et qu'il apparaisse dans un environnement cyclique, où aux sept années de vaches maigres succèdent sept années de vaches grasses. Tout le pari du déficit public repose sur celui du redémarrage de la croissance.

C'est si vrai que les gouvernements qui annoncent les déficits les plus importants en 2009-2010 sont aussi ceux qui annoncent la croissance la plus forte à partir de 2011 ! On en rirait volontiers si cela ne cachait un terrible théorème : l'endettement des Etats n'est supportable que pour autant que les agents privés ne craignent pas de s'endetter à nouveau. Comme si nous n'étions plus que d'infortunés otages tombés aux mains des créanciers.

 

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Article pertinent mais qui fait l'impasse sur un élément fondamental au service du remboursement de la dette des Etats et qui est vieux comme le monde:l'inflation à venir.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Qui croit raisonnablement à cette fable ? Nos sociétés développées vivent à crédit depuis trop longtemps pour que le scénario rose que l'on nous vend se réalise. Les mêmes qui ont réduit l'imposition des plus riches depuis tant d'années ne trouveron...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci Madame pour la lucidité de votre analyse. Dois-je faire remarquer que aucun de ceux qui ont précipité tant de gens dans autant de malheurs, dont certains encore à venir ne sont en aucune façon inquiétés ? Comme s'il y avait une collusion quelqu...

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