Le cas "Orange foot", symbole d'un droit rétrograde

En ces temps de défis technologiques, la règle de droit doit remplir une mission fondamentale qui consiste à encourager, promouvoir et accompagner l'innovation, au besoin en la régulant, mais jamais en la bridant. De ce point de vue, le débat suscité par la décision de justice rendue sur l'offre "Orange foot " de France Télécom est emblématique, estime Christophe Caron, professeur agrégé (Paris XII), avocat à la Cour.

En décidant que l'offre "Orange foot" de France Télécom, qui allie contenus et interactivité, était une vente liée prohibée constitutive de concurrence déloyale par détournement de clientèle au détriment de ses concurrents - car subordonnant l'accès à des contenus sportifs à la conclusion d'un abonnement Internet haut-débit -, le tribunal de commerce de Paris a rendu le 23 février dernier une décision critiquée par les uns et approuvée par d'autres qui suscite un inévitable débat du fait de sa richesse.

Il est important que toute situation juridique soit envisagée à l'aune de la règle de droit adéquate qui, au sein du gigantesque Meccano qu'est le droit, lui est dédiée, ce qui permet d'éviter d'éventuelles contrariétés de solutions. La décision "Orange foot" a été rendue sur le fondement de l'article L. 122-1 du Code de la consommation. Or, convient-il de résoudre un pur litige de droit de la concurrence en utilisant la prohibition des ventes liées d'un Code de la consommation, pourtant censé être voué à la protection de consommateurs qui brillent en l'espèce par leur absence, et dont il n'est pas attesté qu'ils subissent un préjudice en accédant à leurs matchs favoris pour 6 euros mensuels ?

De surcroît, fallait-il vraiment utiliser, pour appréhender un service innovant, un vieux texte, issu d'une ordonnance de 1945, qui avait pour vocation de protéger le consommateur contre l'acquisition forcée d'un produit inutile couplé à un produit fortement demandé ou à permettre à un voyageur de louer une chambre d'hôtel sans se voir imposer la demi-pension ? Certes, il est fréquent de louer l'adaptabilité d'anciens textes aux situations nouvelles. Mais, dans le domaine des nouvelles technologies, l'adaptation connaît aussi des limites. Et cela d'autant plus que le droit de la concurrence prohibe lui aussi les ventes liées en tant qu'abus de position dominante en droit français comme en droit communautaire.

Quant au droit du sport, il prend bien soin de concilier l'exclusivité de l'un avec le droit à l'information de tous. Dès lors, pourquoi solliciter, hors de son domaine naturel, le droit de la consommation, sauf à risquer qu'à l'illicéité retenue par cette discipline corresponde la licéité du droit de la concurrence, voire du droit du sport ?

Ensuite, il ne faut pas oublier que la règle de droit doit être au service de la sécurité juridique, a fortiori dans le domaine des nouvelles technologies qui exige des investissements dont la rentabilité est parfois aléatoire.

Or, n'est-il pas prématuré d'interdire à un acteur économique l'association de l'abonnement Internet et de l'accès à des contenus, lorsqu'il bénéficie d'une exclusivité licitement acquise à la suite d'un appel d'offres et de l'assentiment donné par le passé par diverses autorités, notamment de concurrence mais aussi ministérielles, sur la licéité d'une offre devenue la norme du marché ? Certes, une telle solution aurait pu être envisagée en présence de man?uvres déloyales positives et d'un préjudice, non pas éventuel, mais réel et avéré, subi par les concurrents. Mais rien de tel ne transparaît de la décision rendue qui semble s'appuyer sur un principe de précaution très étendu.

Et n'est-il pas dangereux d'offrir, dans le contexte international actuel et en ces temps de piratage massif, une telle insécurité juridique aux acteurs français qui innovent, investissent, prennent des risques tout en développant l'offre légale ? Il faut avoir conscience que nous sommes à l'heure de l'imbrication entre la télévision et l'Internet, ce qui implique de fusionner le monde des médias et celui des opérateurs de télécommunications. Ces deux mondes ne peuvent plus raisonnablement s'ignorer.

L'ancien téléspectateur passif devenant un "télé-internaute" avide d'interactivité, il est indispensable de reconnaître que l'accès aux contenus et l'Internet haut-débit sont devenus indissociables, afin de construire la télévision d'un futur déjà présent. Cela permet à un acteur économique de promouvoir son image de marque en offrant des produits et services innovants qui le distinguent de ses concurrents. Et ce sont les consommateurs qui sont les principaux bénéficiaires de ces produits et services nouveaux.

Quant à l'exclusivité, le cas échéant limitée dans le temps, elle doit permettre de rentabiliser l'investissement tout en rémunérant les ayants droit, ce qui évoque d'ailleurs la philosophie d'une propriété intellectuelle traditionnellement au service de l'innovation qui pourrait servir de modèle. Pour s'en convaincre, il suffit de songer au droit des brevets qui, tout en protégeant l'innovation et en rentabilisant l'investissement de celui qui a pris des risques, promeut également l'intérêt général.

Il faudrait donc favoriser une innovation vertueuse, régulée et ?cuménique au service de celui qui innove, des consommateurs qui bénéficient de cette innovation, des titulaires de droits sur les contenus, qui s'enrichissent grâce à elle, et des concurrents ayant choisi de la développer de façon concrète. Un v?u pieux ?

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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voilà un article bien idiot. "Innovation" ?! Ou est-elle ? Le principe de la chaîne payante ne me parait pas particulièrement "innovant"... La tentative de France Telecom, alias Orange, de reconstituer son monopole sur les réseaux par les contenus ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je suis desole, je vois pas le probleme... C'est un tres bon jugement! Appeler cela comme vous voulez: vente liee, association production-distribution, refus de vente... Au final, la division d'Orange qui produit des contenus, ne les vend qu'a la div...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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regarder un match de foot en payant, dèja nous appelons cela le progrès , personnellement j'appelle cela le profit a tout prix.le football sport N°1 national devrait être gratuit par région et payant pour accéder a une palette plus large(national).je...

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