Eté financier, hiver pour l'emploi

Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

On pourrait n'y voir que le décalage des saisons de l'économie, comme celui qui fait coïncider l'hiver de Paris avec l'été de Buenos Aires : les uns se pèlent sous une pluie glaçante, tandis qu'au même moment les autres se dorent au soleil. Dans l'hémisphère de la finance, banquiers et traders sont repartis à pleine vitesse, avec profits libellés en milliards de dollars et bonus en millions. Ce monde-là ne conserve de la crise que quelques mauvais souvenirs.

Dans l'économie réelle, en revanche, c'est toujours l'hiver. Les désagréments temporaires de la banque ont laissé quelques milliers de milliards de dettes supplémentaires - le coût des plans de relance et de la crise - et 500.000 chômeurs de plus chaque mois de part et d'autre de l'Atlantique, dont 80.000 à 100.000 en France.

Et le froid menace de s'installer. En France, Xavier Darcos, nouveau ministre du Travail, avoue avoir une "vision plutôt sombre" de la situation de l'emploi pour les mois qui viennent. Rarement, on aura vu un gouvernement plus actif que celui de Fillon dans la lutte antichômage, utilisant, le premier en Europe, l'arme du chômage partiel indemnisé, fusionnant l'ANPE et l'Assedic, étendant le bénéfice des innombrables dispositifs d'aide à la reconversion, relançant les contrats-jeunes et l'apprentissage, réformant la formation.

S'il y en a un qui ne chôme pas, c'est bien Laurent Wauquiez, le ministre de l'Emploi - singulière appellation, pour celui qui est préposé au sinistre dénombrement mensuel de la file grandissante des chômeurs. Le gouvernement se heurte à une réalité obstinée : la crise sociale s'étend, à mesure que sont touchés aussi les sous-traitants de deuxième et troisième rang et les entreprises opérant localement, qui étaient jusqu'ici préservées.

On voudrait croire que l'embellie qui pointe dans l'hémisphère de la finance réchauffera bientôt celui de l'industrie. Le monde de l'argent a toujours au moins une saison d'avance, parce qu'il est plus vif et versatile que celui des usines. Encore faudrait-il qu'on ait vraiment tiré les leçons de la catastrophe financière de la fin 2008, lorsque nous sommes passés à un cheveu de la faillite bancaire généralisée. Rien n'est moins sûr.

La finance n'a de cesse que de revenir au "monde d'avant", suivant en cela sa pente, qui est celle de la nature humaine. Les mois prochains pourraient bien contrecarrer ce projet : si la concomitance des bonus à sept ou huit chiffres et des files de chômeurs au moins aussi fournies en zéros se prolonge, ce sera difficilement supportable sur le plan politique.

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Commentaires 4
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Dans la mesure où le G20 a décu et que seuls les atteints mentaux pensent encore que cela a changé quelque chose, il est clair que le retour à la normale du monde de la finance ne fera que durcir les tensions sociales, et pas seulement en France.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je salue votre clairvoyance dans tous vos articles. Les têtes qui ont mené à la catastrophe n'ont pas vraiment changé. Une caste tellement imbue d'elle même, qu'elle est seule à se regarder pédaler. Ainsi le microcosme financier n'a guère pris consci...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Effectivement... Ils ont vite oublié les conséquences de leur cupidité, nos financiers... Ils n'ont finalement rien compris, et sont bien comme je les considère: des imbéciles sans scrupules dont l'unique but dans la vie est de "faire de l'argent". P...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Quand on voit ce que les politiques ont "supporté" jusqu'ici, plus personne ne doute de ce qu'ils soient prêts à en "supporter" bien davantage. Du moment que leur propre sécurité et privilèges soient maintenus (comme les bonus des banquiers), hein......

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