Les causes de la crise : cherchez la femme !

De la psychologie à l'idéologie, la crise a aussi ses causes non financières, dont l'œuvre de l'américaine Ayn Rand.

Connaissez-vous la Chimerica?? Surgi sous la plume de l'historien de l'économie Niall Ferguson, ce continent improbable désigne une hydre à deux têtes, l'une (la Chine) abreuvant l'autre (l'Amérique) en échange de bons du Trésor. C'est bien trouvé. Comme le souligne l'économiste Robert Skidelsky, les deux explications les plus "populaires" de la crise sont en effet l'excès de monnaie et l'excès d'épargne. Excès de monnaie du côté américain, excès d'épargne du côté asiatique. Un excès a nourri l'autre.

A la métaphore classique de l'arbre des causes, on peut préférer celle du fleuve. Alors que la sève va du tronc aux branches, le fleuve se nourrit de rivières, de ruisseaux et de sources. Le fleuve des causes de la crise économique actuelle, la pire depuis la Grande Dépression, est encore loin d'être pleinement exploré. Pour quelles raisons profondes la Chimerica a-t-elle pu émerger?? L'explorateur soupçonne l'existence d'un réseau fluvial souterrain, charriant une bonne dose de psychologie. De psychologie politique, si l'on songe au complexe impérial américain et, côté chinois, à un complexe de rattrapage. De psychologie tout court, si l'on invoque l'irrationalité des acteurs, chère aux économistes comportementalistes.

Mais cette irrationalité elle-même ouvre un dédale où, là encore, psychologie et politique se rejoignent. Car les comportements dits irrationnels identifiés par ces économistes n'intègrent pas l'effet des idéologies. Ce qui les intéresse, ce sont les réflexes absurdes propres à tout un chacun (le panurgisme, par exemple). Or, il faut aussi tenir compte des croyances n'engageant pas l'ensemble des acteurs, mais une bonne partie d'entre eux, surtout quand ces acteurs sont des leaders d'opinion.

On a ainsi incriminé les croyances dites ultralibérales issues l'école de Milton Friedman. On a moins parlé de l'impact non moins conséquent, aux Etats-Unis, du mouvement issu de l'?uvre et de la pensée d'une femme, Ayn Rand. Alan Greenspan s'y est discrètement référé, quand il a fait son ébauche d'autocritique devant le Congrès. Ayn Rand a été son maître à penser. Il lui doit ce qu'il a appelé son "idéologie". De quoi s'agit-il?? Ayn Rand était une immigrée russe juive de fort tempérament qui tenait salon à New York. Son livre phare, publié en 1957, n'a cessé, depuis lors, de naviguer sur les listes de best-sellers. En janvier dernier, il a même fait mieux, un moment, que les mémoires d'Obama. C'est un roman-fleuve (1.200 pages) au titre elliptique, "Atlas haussa les épaules".

Le scénario est simple?: les Etats-Unis deviennent une démocratie populaire, sur le modèle de l'Etat soviétique. La catastrophe est amenée par des politiciens et des bureaucrates inspirés par l'esprit collectiviste, alliés à des hommes d'affaires médiocres et corrompus. Ils agissent au nom de "l'intérêt général" et de l'altruisme. Face à cela, les vrais bons industriels et hommes d'affaires du monde entier, ceux qui sont inspirés par la morale capitaliste véritable, plient bagage et vont se réfugier dans un ville-Etat utopique. Ils reviendront in extremis, quand les Etats-Unis et le monde seront en ruines. Les personnages du roman sont taillés à la serpe. Le principal est une femme, Dagny Taggart, chef d'entreprise de haute volée, athlétique et passionnée, tombeuse de brillants hommes d'affaires. Elle pratique l'amour libre et plaide pour l'absence d'Etat. Les impôts sont payés sur la base du volontariat.

L'épine dorsale de cette idéologie n'a rien à voir avec le capitalisme mâtiné de bons sentiments d'un Adam Smith. C'est un capitalisme quasi nietzschéen, fait remarquer le politologue Alan Wolfson, où dominent les forts, à la mâchoire carrée et aux yeux bleus. La notion d'intérêt général est pour les gogos. Ce roman, auquel Ayn Rand a ajouté divers essais philosophiques, légitime le slogan "greed is good" (l'appât du gain est moral). Le marché devant régler les problèmes de lui-même, personne n'a à se soucier des conséquences de ses actes. Cela vous rappelle quelque chose??

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Commentaires 5
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Excellent article. Rappelons aussi que Alan Greenspan, ex gourou de la Fed, a été un des "favoris" du salon de Ayn Rand (certain disent un de ses jeunes amants). Il a toujours proclamé son admiration pour cette dame, et a oeuvré sans relache pour un...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Cet article mal foutu a ce qu'il mérite: la réponse d'un fanatique «brûlez-ayn-rand». Si père Greenspan a fait une erreur c'est bien celle d'avoir joué les apprenti-sorcier de l'interventionnisme ( la Fed étant le bras économique de l'État et Alan s'...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Tout y est ! Le quasi point godwin avec "mâchoire carrée et aux yeux bleus",l'ignorance économique en faisant d'Adam Smith l'égérie et le représentant le plus fidèle du libéralisme, en passant par le mythe de la dérégulation ( sans doute l'auteur est...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bien d'accord avec toi, Juju. http://www.leblogueduql.org

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Lecteurs de la Tribune, les messages de vous avez ici un exemple de l'incroyable susceptibilité (et réactivité) des membres d'une secte, profondément autiste : les "libres" de France et de navarre. Ils sont tenants d'un libéralisme absolu, on dira...

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