L'élan stoppé de la banque Lazard

Par Pierre-Angel Gay, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Personne n'avait imaginé passage si fugace. Et pourtant si marquant. La disparition, mercredi, du président-directeur général de Lazard, Bruce Wasserstein, à 61 ans, n'est pas seulement celle d'un banquier vedette de Wall Street. C'est celle d'une star au nom indéfectiblement lié à de grandes restructurations industrielles, comme l'offre de KKR sur le géant RJR Nabisco en 1989, ou la naissance de Time-Warner.

En sept ans chez Lazard, l'homme a sauvé la maison et lui a redonné son lustre aux Etats-Unis, sans en modifier le modèle. Il a mis fin à une malédiction. Celle voulant qu'aucun des dauphins de Michel David-Weill, le dernier descendant des fondateurs à présider la banque, ne soit en mesure de lui succéder. Appelé à prendre les clés d'un établissement entravé par ses querelles intestines, Bruce Wasserstein ne les a jamais rendues. Il a fait de l'entrée de Lazard à la Bourse de New York, en 2005, un levier qui lui a permis de tirer un trait sur cent soixante ans de domination familiale.

Cette IPO, comme disent les Américains, lui a valu la reconnaissance des associés de la banque, soudainement enrichis, et l'a doté de l'arme nécessaire à la régénération de la vénérable maison : les stocks-options ! Ferrés, les Gary Parr, Jeffrey Cohen, Charles Ward et autre George Bilicic, ont réhabilité un nom un peu terni. De quoi permettre à la banque de compenser la défection en Europe de Gerardo Braggiotti, l'allié de toujours de Michel David-Weill.

La disparition du patron de Lazard stoppe cet élan. Elle rend aussi incertain le maintien du délicat équilibre entre les trois entités historiques de la banque - Paris, Londres et New York. En choisissant le Nyse pour la cotation, Bruce Wasserstein avait déjà fait basculer le centre de gravité de Lazard outre-Atlantique. Mais il avait su composer avec les associés parisiens qui l'avaient soutenu. Il n'est pas sûr que son successeur ait les mêmes égards, alors que les Français renouent avec leurs guerres picrocholines.

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