Capital décès : non à la taxation, oui au respect du droit !

Par Gérard Bekerman, président de l'Association française d'épargne et de retraite (Afer).

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010 prévoit d'appliquer des contributions sociales aux contrats d'assurance-vie en unités de comptes en cas de décès du bénéficiaire. Ce projet est juridiquement illégal, fiscalement incohérent, politiquement hasardeux et moralement choquant. Pourquoi ? Le contrat d'assurance est, rappelons-le, un contrat aléatoire par lequel une entreprise d'assurance s'engage envers une ou plusieurs personnes à couvrir, moyennant le paiement de primes d'assurance, une catégorie de risques déterminés. L'assureur peut donc garantir, en contrepartie des primes payées, en cas de décès, le versement d'un capital au(x) bénéficiaire(s) désigné(s). Le contrat peut également prévoir des garanties complémentaires, comme le risque d'invalidité ou une garantie plancher, qui vont modifier le calcul de la prestation due. Ainsi que l'a solennellement affirmé la chambre mixte de la Cour de cassation, un tel contrat "dont les effets dépendent de la durée de la vie humaine comporte un aléa au sens des articles 1964 du Code civil et L. 310-1.1° et R. 321-1.20 du Code des assurances et constitue un contrat d'assurance". Le capital décès est alors une prestation due par l'assureur. Ce n'est plus une épargne, précisément parce que l'on n'est plus vivant ! À ce rythme, on peut s'attendre à des contributions sociales sur l'indemnité d'assurance versée en cas de vol ou d'incendie ! C'est tout simplement illégal car contraire aux principes qui régissent un contrat d'assurance.

Ce projet est également fiscalement incohérent. Les contributions sociales sont en effet normalement assises sur des "revenus acquis"e. Elles ont été étendues aux "revenus présumés acquis", qui n'appartiennent pourtant en aucune façon au souscripteur assuré mais à la compagnie en l'absence d'exercice du droit de rachat. Et maintenant, le projet propose d'étendre l'assiette à ce qui constitue un "capital". La dérive est complète. Il est, alors, fallacieux de laisser croire qu'il s'agit de la "suppression d'une exonération" pour, en réalité, créer un nouvel impôt. Rechercher ainsi artificiellement une assiette à soumettre aux contributions sociales revient à méconnaître la nature du contrat d'assurance. La création d'une telle assiette caractériserait non pas une extension des contributions sociales, mais bien la création d'une nouvelle taxation sur un capital par ailleurs déjà taxé.

Du point de vue de l'équité, le projet accentue le déséquilibre de traitement entre contrats monosupports et contrats multi- supports. Si le traitement des capitaux décès est à ce jour strictement équivalent (et ce, bien légitimement, du fait de la nature de cette prestation) entre contrat d'assurance monosupport et multi- support, le nouveau dispositif induirait un niveau de contributions payées au titre d'un contrat monosupport moindre que celles finalement prélevées pour un contrat multisupport.

Et ce, pour quelle logique ? Après avoir encouragé l'investissement sur des contrats d'assurance multisupports par le "dispositif Fourgous", et afin de financer l'économie en facilitant l'investissement sur des supports en unités de compte (en actions), le projet trahirait ceux qui avaient adhéré au dispositif. Or il ne s'agit pas d'une minorité de privilégiés mais de 12 millions d'assurés prévoyants et confiants, auxquels il faut rajouter leurs proches qui, en qualité de bénéficiaires, seront finalement pénalisés. Enfin, ce texte est moralement choquant. Il heurte le principe de transparence et les contraintes d'information et de conseil prônés pour la protection des consommateurs... qui, devenus contribuables, n'auraient plus droit à la transparence. La règle du jeu changerait en cours de route sans respect tant pour les engagements pris que pour la parole donnée. Il n'y a pas de cohésion sans confiance et il n'y a pas de confiance sans garantie. On n'attaque pas ainsi les fondements d'une société moderne.

Les Français ressentent un besoin fondamental de sécurité. Les engagements pris doivent être respectés. La permanence fiscale et sociale de l'assurance-vie doit être préservée. Les Français ont confiance dans la parole qui leur a été donnée. Ne les trahissonss pas.

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