Marché de l'immobilier : le prix de la transparence

Par Henri Buzy-Cazaux
, président de l'Espi (Ecole supérieure des professions Immobilières).

L'embarras du secrétariat d'Etat au Logement cet été, incapable de produire le fameux indicateur des mises en chantier de logements, a révélé les faiblesses de notre appareil statistique pour le marché du neuf. Au même moment, la fiabilité des informations sur le marché des logements anciens, produite par la Fnaim, a été mise en cause.

Tout cela a ému le gouvernement au plus haut point. Le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, a confié à deux personnalités du secteur, Marc Prévôt, membre du Conseil général de l'environnement et du développement durable, et Bernard Vorms, membre du Conseil national de l'information statistique, la mission de diagnostiquer et de proposer des remèdes, le premier pour le logement neuf, le second pour le marché de l'ancien. Si le premier sujet renvoie forcément aux pouvoirs publics, dès lors qu'aucun chantier ne peut s'ouvrir sans autorisation administrative, la question du marché de l'ancien est plus complexe. Elle implique de se demander d'abord qui doit fournir les statistiques, avant de s'attarder sur la méthode.

L'enjeu est considérable : il est urgent de bâtir cet observatoire de l'activité et des prix. Les ménages en ont besoin, les décideurs politiques l'appellent de leurs v?ux. Sans cela, les décisions individuelles d'investissement comme les gestes financiers ou fiscaux de l'Etat et des collectivités manqueront d'assurance. Sans cela, aucune prévision sérieuse, aucun contrôle des dérapages de marché ne seront possibles. Pour avoir été l'un des premiers à souligner les failles du système, je me sens le devoir de donner mon avis sur ce qu'il faut faire pour l'améliorer.

Je pense d'abord qu'il faut cesser de confondre communication d'enseigne et statistique. Faut-il que chacun y aille de son observatoire, alors même qu'il n'a pas la représentativité statistique élémentaire ? 5%, 10% ou 15% des transactions globales ne peuvent pas rendre compte de la réalité. La complexité du marché immobilier, avec des situations territoriales contrastées, des évolutions différentes selon les types de logement ou le standing, exige d'augmenter l'échantillon pour atténuer les biais.

Comment en arriver à un large échantillon ? En jouant collectif. Il est impératif que tous ceux qui sont légitimes à fournir des statistiques les mettent en commun et acceptent de perdre un vecteur de publicité égoïste au profit de la qualité statistique. C'est une question d'honnêteté intellectuelle et de respect de l'intérêt général.

En outre, si la masse de transactions n'est pas assez importante pour mesurer les variations de volume, elle est forcément trop faible pour donner une juste appréciation de l'évolution des prix. D'où ce décalage entre les statistiques les plus médiatisées et le constat des opérateurs de terrain. Pour preuve, les institutions parlent d'une baisse de prix de 5% à 8% pour 2009, quand les agents immobiliers évoquent 10% à 20%.

Je pense ensuite qu'un observatoire n'est pas crédible s'il n'a une caution scientifique. Qu'est-ce qu'une caution ? Une autorité intellectuelle indépendante et reconnue. Cette dignité se mérite, par des travaux de référence. Cette garantie scientifique est cruciale lorsqu'on parle des prix des logements, qui représentent quatre ou cinq fois le revenu net des ménages et motivent des endettements de vingt ans !

Autre problème : l'apparente incohérence des informations, simplement parce que tous ne parlent pas des mêmes choses. Un logement est d'abord mis en vente, à un prix qui pourra être corrigé à la baisse si aucun acquéreur ne franchit le pas. Puis, la vente donnera lieu à la signature d'un avant-contrat, et enfin sera confirmée devant notaire trois ou quatre mois plus tard. Bref, il faudra un observatoire capable de suivre la vie des biens à ces différents stades.

Dernier sujet polémique : un observatoire du marché du logement doit-il être public ou privé ? Une statistique publique constatant un marché privé sera toujours suspecte. Elle ne présentera pas cette faiblesse si les données immobilières proviennent d'acteurs multiples, organisations professionnelles, grands réseaux commerciaux...

En revanche, l'onction des pouvoirs publics doit jouer le rôle d'un label. C'est ainsi que l'observatoire collectif des loyers de marché (Clameur) a reçu la reconnaissance du ministère du Logement, qui ne prend pas part à la production de ses résultats ni même à leur interprétation, mais valide leur sérieux. Sur la base du rapport Vorms, qui sera rendu en décembre, il appartiendra aux pouvoirs publics de favoriser la création d'un tel observatoire.

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